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Ma vie mal dessinée
Gipi
futuropolis

Dans la plupart de ses livres, Gipi parle de lui, de sa famille, des gens qui l’entourent. Mais avec “Ma vie mal dessinée”, c’est la première fois qu’il va aussi loin dans l’introspection, qu’il se met en scène de façon aussi crue, qu’il se met véritablement à nue, comme s’il avait oublié momentanément lecteurs et fausse pudeur. Gipi avoue écrire des histoires pour essayer de comprendre ce qu’il n’arrive pas à saisir sans cela dans sa vie.
A 45 ans, l’auteur réalise que sa vie n’a été jusque là ponctué que d’échecs sentimentaux, de peines de cœur, de souffrances en tout genre. Du coup, notre homme frise la misanthropie. Et il en est conscient. Alors, plutôt que de retourner voir un psy (il en a déjà vu assez comme ça), il commence “Ma vie mal dessinée”. Et replonge donc dans sa jeunesse : ses dérives asociales et ses expériences de drogues diverses et variées. Il repense à son enfance de gamin fragile, souvent angoissé et aux jeux débiles et dangereux avec les copains. Pour finalement toucher du doigt ce qui est sans doute à l’origine de son mal-être et qui a probablement (mal) dessiné sa psychologie d’adulte : “l’homme dans le noir”, un maniaque sexuel qui tenta de violer sa sœur en présence de Gipi. Et avec lui, la culpabilité de ne pas être intervenu, d’avoir été faible et impuissant…
Si “Ma vie mal dessinée” est avant tout la matérialisation de la volonté de l’auteur d’exorciser ses peurs et ses angoisses, Gipi n’oublie pas qu’il est en train de raconter une histoire. Il propose donc encore une fois des inventions narratives aussi étonnantes que lumineuses (un pirate solitaire et taciturne -le double frustré de l’auteur ?- fait ainsi subitement irruption dans le récit pour prendre Gipi en otage sur son bateau et l’obliger à y mettre plus de femmes, de sexe et d’histoires d’amour poignantes…) pour finir de rendre son œuvre tout à fait singulière. Tout en privilégiant, on l’a souligné, une sincérité qui prend aux tripes, une transparence violente et touchante, une mise à nue sans fard, graphiquement relayées par le trait brut et sans fioritures de l’italien.
Après le magnifique “Notes pour une histoire de guerre”, cette quête d’amour et de lumière choc pourrait bien déjà être l’un des romans graphiques de l’année. Tout simplement.

[sullivan]

 

 


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