Le
sourire des marionnettes
Dytar
delcourt
On sait désormais
à quoi s’attendre avec la collection Mirages tant, récit
après récit, elle a démontré qu’elle offrait
une aire de liberté totale aux auteurs. Néanmoins, elle parvient
une nouvelle fois à surprendre avec ce nouvel opus. Il faut dire que
Jean Dytar a réussi un véritable tour de force avec “Le
sourire des marionnettes”. Le pari était pourtant risqué
puisque le récit, pas forcément facile d’accès,
ne propose rien moins qu’une confrontation philosophique entre 2 figures
marquantes de l’orient du XIe siècle : celles d’Omar
Khayyam, poète, libre penseur, astrologue du sultan Malik Shah ainsi
qu’hédoniste convaincu et Hassan Ibn Sabbah, qui fit entrer le
mouvement chiite des ismaéliens en résistance (contre l’Islam
sunnite, religion déclarée officielle par le sultan) et qui
fonda la secte des assassins.
Pari risqué mais pari tenu grâce aux allures de polar que Dytar
donne au récit : les réflexions édifiantes sur Dieu,
la religion, la vie sur Terre ou le paradis sont en fait distillées
au fur et à mesure de la course poursuite entre Khayyam -pourchassé
après la mort de ses protecteurs, le sultan et le vizir- les sbires
du calife et les hommes de main d’Ibn Sabbah. Et surtout grâce
à cet incroyable travail graphique qui donne une formidable ampleur
à cette diatribe contre l’utilisation de la religion (et pire
de la foi) à des fins de pouvoir. L’auteur a en effet choisi
la technique artistique de l’époque pour mettre en images ce
récit : la miniature perse. Représentations géométriques
des édifices, motifs orientaux des faïences dans les maisons ou
les mosquées, couleurs tranchées, trait fin et élégant,
mouvements des personnages figés : ces véritables enluminures
orientales sont de petites merveilles tout à fait en phase avec la
philosophie du plaisir prônée par Khayyam, qui passe par tous
les sens, y compris la vue. A ne pas manquer !
[sullivan]