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L’impertinence d’un été
Pellejero/Lapière
aire libre

Edward est reparti en Californie. Ses enfants lui manquaient trop. Pendant ce temps-là, au Mexique, en cette année 1925, l’effervescence politique est à son comble : les communistes et la révolution grondent mais le président Plutarco Callés s’accroche au pouvoir et décide bientôt de fermer les églises et d’arrêter les prêtres qu’il soupçonne de soutenir les insurgés. Quant à Tina, elle doute toujours de sa capacité et même de sa légitimité à être photographe. Sans le soutien financier d’Ed, elle se résout donc à travailler dans un commerce…
On retrouve dans cette deuxième partie le même dispositif scénique puisque la narration alterne une nouvelle fois scènes dans un bar -c’est bien sûr toujours Théo Genet, personnage fictif inventé par Lapière, qui raconte cet été fou où tout semblait possible- et flash backs retraçant l’histoire mexicaine de ces hommes et femmes devenus célèbres. Et l’on renoue avec le superbe dessin de Pellejero à l’encrage si élégant et typique ainsi qu’avec son magnifique travail sur les couleurs (la luminosité éclatante de l’Amérique du sud perce dans pratiquement chaque case).
Si ce second volet avait un titre, ce pourrait être "Des lendemains qui déchantent". Car après l’exaltation, le rêve d’une nouvelle société et l’espoir de nouvelles libertés, qu’elles soient politiques, artistiques ou sexuelles, de tous ces artistes (Sala, Guerrero, Orozco, Rivera ou Charlot) qui avaient rejoint le Mexique pour être de ce grand élan utopiste, l’heure est maintenant au doute, à la remise en question et au désenchantement. L’engagement des photographes, poètes et peintres muralistes n’a en effet pas eu l’impact escompté et la révolution espérée a du plomb dans l’aile. Quant à Tina et Ed, leurs belles illusions sur la liberté sexuelle ("Choisir, c’est renoncer", dit la jeune femme à son amant) se sont fissurées au contact de la réalité. Ed s’est en effet rendu compte qu’il n’était pas facile d’être confronté à la liberté de celui que l’on aime !
Réflexions sur l’art, l’amour, la politique et bien d’autres choses encore : "L’impertinence d’un été" est un récit riche, maîtrisé de bout en bout, pas aussi poignant que d’autres œuvres du même duo mais qui reste néanmoins très agréable et inspiré.
[sullivan]