ALBUM. On avait découvert Algiers avec The Underside Of Power, album riche et surprenant, véritable hommage aux musiques noires américaines, qui nous avait autant bluffés qu’enthousiasmés. Le groupe d’Atlanta revient (il y a eu There Is No Year, entre temps, qui est un peu passé inaperçu à cause de la pandémie que vous savez…) avec Shook, qui restera certainement, dans leur discographie, comme leur album de collaborations. En effet, 10 titres, sur 17 au total, voient un invité venir y poser sa voix. Des rappeurs, pour la plupart, ce qui donne une bonne indication sur le virage pris par le groupe, mais aussi Lee bains III et Zach De La Rocha de Rage Against The Machine. Ou encore Mark Cisneros, membre de Kid Congo Powers ou Hammered Hulls et qui vient de se mettre à la batterie avec The Make Up, qui vient, quant à lui, jouer de la basse, de la clarinette et des congas sur Out Of Style Tragedy. Algiers n’en perd pas son ADN pour autant, le groupe restant plus que jamais fidèle à sa volonté de mélanger les genres. D’ailleurs, il vaut mieux oublier ses références habituelles avant de placer Shook sur sa platine. Car la musique du groupe est ici encore un peu plus inclassable, prenant encore davantage ses distances avec le rock que sur The Underside Of Power que l’on pouvait encore, lui, qualifier de post-punk. Hip hop, électro, soul, gospel, post-punk, folk, blues, voire dub (sur Something Wong) : le groupe mêle tout cela, souvent au sein d’un même morceau, pour en faire quelque chose de nouveau et, surtout, de personnel. Cela marche souvent très bien, notamment sur Irreversible Damage, certainement le meilleur morceau de Shook, avec son électro-punk-hip hop qui mute, sur la fin, en post-rock épique et psychédélique (on comprend pourquoi Zach de la Rocha a choisi ce titre pour son featuring…) ; 73% et son petit côté At The Drive-In/Bloc Party des débuts, post-punk teinté de soul façon Motown ou encore Cold World qui démontre que Franklin J. Fisher est bien l’une des voix, puissante et intense, les plus incroyables du rock indé actuel.
Si Shook est l’album des collaborations, c’est aussi celui des spoken words. Et on comprend pourquoi : engagé, le groupe a beaucoup de choses à dire sur la société américaine (Out Of Style Tragedy rappelle d’ailleurs les périodes de luttes, comme le mouvement des droits civiques, aux USA) et le monde qui l’entoure. Malheureusement, Algiers a eu la main un peu lourde en décidant d’en placer 6 sur l’album, ce qui a tendance à casser le rythme et à nous faire sortir, par moments, de Shook. Qui reste, malgré tout, un vrai bon album (clairement un cran en dessous de The Underside Of Power toutefois, à cause de l’omniprésence de spoken words, on l’a dit, mais aussi du recul de son énergie post-punk), vivant et imprévisible.
(Matador Records)