BD. Après L’Eveil, Campi et Zabus continuent d’explorer l’âme humaine. Dans ce nouveau récit, ils s’intéressent à “un type qui n’en vaut pas la peine”, comme l’annonce rapidement le narrateur. A moins que cela ne soit sa conscience qui le taraude…Un étudiant en dernière année de droit qui rêve de faire partie de la haute, lui le fils de paysan que son père cognait. A tel point que chaque dimanche il va dans les beaux quartiers de Bruxelles pour regarder les bourgeois se promener et admirer les beaux magasins. Voilà pourquoi il veut devenir avocat. Mais en 1957 il n’est pas si facile de changer de monde. Le manque d’argent le rappelle d’ailleurs régulièrement à Louis qui devra faire des choses qu’il n’avait pas imaginées faire pour parvenir à ses fins…
Une trajectoire que les auteurs nous font suivre avec originalité. Car à la façon d’un Shakespeare (dans Macbeth par exemple), qu’Albert, le proxénète qui piège Louis pour l’obliger à travailler pour lui, cite régulièrement quand il parle, Campi et Zabus campent un personnage complexe, qui veut gravir l’échelle sociale tout en doutant d’avoir la légitimité pour le faire. Ne verra-t-on pas, même quand il sera avocat, qu’il ne fait pas véritablement partie de ce monde-là ? Et cette odeur de ferme, qui lui colle à la peau, disparaîtra-t-elle lorsqu’il aura son diplôme ? Des doutes qui se transforment parfois en paranoïa auxquels la narration, et c‘est ce qui en fait le sel, nous donné accès, avec le narrateur qui ne cesse de mettre en garde voire de rappeler à l’ordre Louis qui aimerait que cette voix le laisse tranquille, enfin. Un polar psychologique inspiré, très bien écrit. Une partition parfaitement mise en musique par Campi avec ce trait fin aiguisé rehaussé d’acrylique très personnel.
(Récit complet, 88 pages – Delcourt)