BD. Après le succès de L’Alcazar (qui se passe aussi en Inde), Sarbacane a décidé de ressortir la première bande dessinée de Simon Lamouret, Bangalore, parue chez Warum en 2017. Mais en version colorisée cette fois, par les mains expertes de Meriem Wakrim qui a réalisé là un superbe travail. Et du coup on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé dès le départ. Le dessin de Lamouret n’est absolument pas en cause. Au contraire, il est très réussi, avec son incroyable soin apporté aux détails, ce qui est particulièrement appréciable sur les dessins double page. Non, c’est juste que quand il s’agit de mettre en scène les rues indiennes, les couleurs ont une importance primordiale (que ce soit dans les saris, les temples hindous ou les marchés) si l’on veut faire passer toute la vie, grouillante, sonore et bigarrée, qu’elles contiennent. Une nouvelle version qui s’imposait donc d’autant que cette superbe édition (très grand format, reliure toilée rose du plus bel effet, papier épais) va donner une nouvelle visibilité à ce livre étonnant. Car Lamouret ne raconte pas ici une histoire. Mais un pays. On plutôt une ville : Bangalore. Où l’auteur a vécu et enseigné le dessin pendant 5 ans et a découvert un monde complètement différent. Et ce livre est le fruit de ses observations. Les petites manigances de policiers qui profitent des nombreux petits business des rues pour réclamer des bakchichs afin d’arrondir les fins de mois ; le chaos “organisé” (on y trouve toutes sortes de véhicules, y compris des charrettes tirées par des buffles) du trafic routier ; les rites religieux surprenants (comme le puja : on vient offrir une noix de coco à son Dieu en la cassant par terre devant le temple) ; l’étonnante confrérie des incontournables rickshaws ou encore les signes extérieurs de richesses insoupçonnables pour nous (le labrador obèse sorti par un serviteur ; les mères de famille qui ont de l’embonpoint car, ayant une cuisinière, une femme de ménage et une baby-sitter, elles ne font plus rien à la maison) : Lamouret met en scène (souvent en deux pages, suivies d’une double qui nous montre le décor de la saynète en plan large), amusé, ces instantanés du quotidien indien qui, mis bout à bout, brossent le portrait, drôle et finalement assez saisissant, de cette ville toujours pleine de vie. Une mine d’or pour les dessinateurs qui s’en donnent à cœur joie et peuvent en faire des livres atypiques comme celui-là !
(Récit complet, 112 pages – Sarbacane)