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Nietzsche
Onfray/Le Roy
le lombard

Publier une biographie de Nietzsche pour l’une de ses premières œuvres de bande dessinée n’était peut-être pas le choix le plus facile. C’est pourtant ce qu’a décidé de faire Maximilien Le Roy. Marqué par la figure de vagabond romantique et la soif de liberté du philosophe allemand, il a contacté Michel Onfray pour lui demander l’autorisation de travailler sur l’adaptation de "L’innocence du devenir", un script que l’auteur avait à l’origine écrit pour le cinéma mais qui n’a jamais été utilisé, puis s’est chargé, seul, de l’adapter, en raccourcissant quelques dialogues ou en ajoutant quelques scènes (comme celle sur Lou, trop peu développée à son goût).
Son dessin ici plus "classique" qu’à l’accoutumée et les aplats de couleurs contrastées empruntant au fauvisme entendent "substituer l’Histoire à la légende" et rétablir la vérité sur ce penseur dont la quête d’Absolu l’a fait plonger dans la folie. Car Nietzsche, dont la vie entière a été vouée à essayer de s’affranchir des codes et des morales, sociales ou religieuses, pour inventer une liberté nouvelle pour l’Homme, a été ironiquement privé de son œuvre à sa mort. Sa sœur, que Friedrich Nietzsche ne voyait pourtant plus depuis quelques années suite à d’importantes divergences politiques (elle était proche du nazisme), s’est en effet ensuite "occupée" de la propagation de son travail. A sa façon, en prenant bien soin de retrancher tout ce qui, dans la réflexion de son frère, la chagrinait. Les diatribes de Nietzsche contre Dieu ou la morale ont ainsi été subitement expurgées. Elle alla même jusqu’à confectionner des faux, qu’elle fit publier sous le nom de son frère, afin d’accréditer la thèse d’un Nietzsche antisémite et belliciste. Ce qui explique l’image souvent erronée que l’on peut avoir de ce philosophe.
Au travers de ses rencontres et de ses nombreux voyages, Le Roy et Onfray rendent compte, par petites touches, du côté radical (il s’isolait de plus en plus) de la démarche de Nietzsche, persuadé que c’était là le prix à payer pour se rapprocher de l’Absolu. Le côté purement historique du récit alterne avec des dessins pleines pages ou des crayonnés plus simples, tâchés de rouge ou de jaune, véritables fuites graphiques de Le Roy rendant visibles les démons intérieurs de l’ homme : la souffrance de la syphilis, contractée alors qu’il était jeune et qui commençait à le ronger mais aussi sa folie, de plus en plus présente à mesure que les années passaient.
Raconter la vie de Nietzsche en un peu plus de 100 pages était un pari risqué. Le Roy l’a relevé en gardant toujours à l’esprit sa volonté de respecter la démarche du philosophe sans toutefois oublier de le faire de façon personnelle. Un joli numéro d’équilibriste en somme.
[sullivan]

 


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