Charleville-Mézières, 18, 19 et 20 août 2022
Le Cabaret vert, c’est un festival total ! Bien sûr, on vient avant tout pour la musique, mais pour faire patienter les festivaliers avant le début des concerts ou simplement pour leur proposer une petite pause, au calme, 1 heure ou 2 loin des décibels, les organisateurs ont mis les petits plats dans les grands. Conférences-débats (l’une des caractéristiques du Cabaret Vert est son côté engagé) à l’Idéal avec la présence d’associations, de chercheurs, d’ONG) sur les sujets sociétaux importants du moment (écologie, gestion des déchets, consommation responsable, circuits courts, solidarité, enracinement local…) que le festival se fait fort de mettre en place sur son site (les intervenants, prestataires et bénévoles ont signé un engagement allant dans ce sens…) pour montrer l’exemple ; arts de la rue (déambulations poétiques, des marionnettes parce qu’on est quand même à Charleville !, de la poésie du côté du Temps des freaks et ses superbes illuminations nocturnes ; cinéma, avec la projection de films documentaires en lien avec les débats de l’Idéal ou encore de films scénarisés par des auteurs présents sur le festival (Zombillénium de de Pins, par exemple) ou encore BD avec un festival organisé à l’intérieur du festival proposant battles de dessinateurs, dédicaces ou master class. Et la programmation était particulièrement relevée cette année avec la présence, entre autres (ils étaient 80 en tout!), de Lereculey et Poli (qui bossent sur Les 5 Terres), Tenuta (La Légende des nuées écarlates), Hub (Le Serpent et la lance), Masbou (Le Baron ou De Capes et de crocs), Maël et Kris (Notre Amérique), Corboz (Les Rivières du passé), Cecil (Le Réseau Bombyce, Holmes) ou encore Bourhis (Comix Remix, Ingmar)… Que du beau monde ! Du coup, pas le temps de s’ennuyer, même ceux qui sont venus 5 jours ! Car cette année, pour rattraper les 2 éditions quasiment blanches (l’an dernier, le Cabaret Vert avait tout de même réussi à organiser un mini-festival intitulé Face B avec de la BD et quelques concerts avec jauge limitée) de 2020 et 2021, le festival durait 5 jours, du mercredi au dimanche ! Avec côté musique, une programmation éclectique, comme d’habitude, moins rock qu’à l’accoutumée mais avec quelques bons groupes à se mettre sous la dent, ou plutôt sous l’oreille, tout de même.
Le temps de (re)découvrir les lieux et de traîner un peu du côté de la BD pour papoter avec certains auteurs, je manque la plus grande partie du set de Ty Segall, programmé assez tôt, il faut dire, à 17h. Son précédent concert, déjà au Cabaret Vert, ne m’avait pas laissé un grand souvenir (il y avait beaucoup de longueurs), je dois avouer. Du coup, je rentre véritablement dans le vif du sujet avec les Pixies. Sur Zanzibar, la grande scène, bien sûr. Soyons clairs : les Pixies n’ont jamais été un grand groupe de scène. Pas ou peu de communication avec le public (le groupe enchaine les morceaux pour, peut-être, ne pas avoir à parler et par peur de dire des banalités…), musiciens statiques, peu de folie dans les morceaux : on a eu exactement droit à ça à Charleville. Pourtant, on a passé un bon moment. C’est le charme des madeleines Proust. Frank Black et ses acolytes (dont Paz Lenchantin, la nouvelle bassiste, qui a affiché un (vrai) sourire de plaisir d’être là tout au long du set) ont, il faut dire, eu le bon goût de jouer majoritairement (je pense avoir seulement dénombré 4 titres issus des albums post-reformation) des anciens morceaux. Et quand Monkey Gone To Heaven, Debaser, Gouge Away (tirés de Doolittle) ou Tame, I’ve Been Tired, Something Against You ou Caribou (Come On Pilgrim/Surfer Rosa) déboulent, ils nous renvoient au tout début des années 90 et on a les poils qui se hérissent sur les bras… Même si Frank Black ne hurle plus comme avant ou si l’ensemble manque tout de même d’un peu de folie, le charme opère une bonne partie du concert. Notamment quand le groupe joue les tubes (Where is My Mind ? ou Here Comes Your Man, pourtant pas leurs meilleurs titres à mon humble avis…) attendus par le public. Malgré un petit couac sur la fin quand, juste quelques instants après avoir lancé Winterlong, Frank Black s’arrête au beau milieu du morceau et demande à Dave Lovering, le batteur, de lancer Wave of Mutilation qui clôturera le concert. Je reste encore un peu pour jeter un œil rapide au show, pardon au concert, de Slipknot avant d’aller au lit pour être en forme le lendemain.
Changement de ton vendredi avec Frank Carter and the Rattlesnakes. Dès l’arrivée sur scène, torse nu et entièrement tatoué, de son chanteur roux, on comprend que l’on va avoir droit à un set musclé. Le mec a le poing serré et a l’air remonté comme une pendule. Et effectivement dès le second morceau il se retrouve déjà au milieu du public, un pit se forme et les gens dansent autour de lui le temps de 2 ou 3 morceaux. Un beau moment ponctué par un poirier de Carter porté par le public. Si si, un poirier ! Le groupe a décidé de commencer pied au plancher et il enchaîne les brûlots punk-rock. Ça tire même par moments vers le hardcore (le chanteur Frank Carter jouait auparavant dans Gallows, qui officiait davantage dans ce style). Ça cogne, ça hurle, les musiciens bougent dans tous les sens. J’avais déjà entendu un morceau ou deux mais je découvre vraiment le groupe à cette occasion et je dois dire que c’est vraiment efficace. Pas vraiment original, soyons honnêtes, mais sur scène ça fonctionne réellement bien. D’ailleurs le public n’arrête pas de danser. Ça pogote dans tous les sens. Notamment car le groupe et son frontman savent y faire. Carter parle régulièrement au public pour lui demander de former un pit circulaire, pour le haranguer ou pour lui demander de laisser la place aux femmes qui veulent venir danser devant le temps d’un ou deux morceaux. Le mec sait qu’il a du charisme et en impose et il en profite clairement. Il a même le temps, sur la deuxième partie du set (un peu plus calme, car le groupe joue des morceaux plus mélodiques), de faire, hilare, quelques photos, de son guitariste parti slammer dans le public tout en jouant et même de faire une petite vidéo de la foule. Les mecs terminent avec un morceau plus enlevé, I Hate You, qui met tout le monde d’accord, même les curieux un peu passés par hasard, bluffés par l’énergie du groupe. Une très bonne surprise malgré la pluie qui a commencé à tomber juste avant le début du set… Les gens sont trempés mais heureux. Pas le temps d’aller se mettre à l’abri car Yard Act joue juste à côté sur la scène Razorback. Et si sur la scène Illuminations Frank Carter and The Rattlesnakes étaient à l’abri, Yard Act n’est quasiment pas protégé… D’où le manteau que le chanteur porte en arrivant sur scène. Une petite scène idéale en tout cas pour découvrir le groupe en live. Je retrouve avec plaisir le post-punk pur jus des anglais. C’est en effet la basse qui mène quasiment toujours les morceaux, ce qui laisse tout loisir au guitariste moustachu de venir faire ses petits grigris quand bon lui chante. Yard Act ne semble pas vraiment perturbé par les conditions météo (il faut dire que les mecs ont dû en voir d’autres à Leeds, leur ville natale du nord de l’Angleterre…) et on sent que les gars maitrisent leur truc. J’aime bien le “jeu de scène” du chanteur, qui a une vraie présence, très naturelle mais pleine d’assurance, sans en faire trop non plus. Certains reprocheront peut-être aux titres de se ressembler un peu (la construction est souvent la même) et au chanteur d’être un peu bavard mais les morceaux sont solides et le groupe livre une très bonne prestation, avec quelques moments de folie venus du guitariste particulièrement bien venus. Le groupe est content d’être là et ça se sent. Un truc que Yard Act aime faire, et qui fonctionne bien, c’est arrêter brusquement un morceau au beau milieu pour s’adresser au public avant de reprendre de plus belle. Il le fera plusieurs fois. Très bon concert.
Samedi, je prends le temps de retourner du côté de l’espace BD pour parler un peu avec Tenuta de son fabuleux travail graphique (l’italien fait des dédicaces hallucinantes !) ou Hub. Et je commence les concerts avec les irlandais de Fontaines D.C. catapultés sur la grande scène alors qu’ils n’ont sorti que 3 albums. Et j’étais vraiment curieux de voir comment les quatre dublinois allaient s’en tirer. Comme à son habitude, le groupe commence par ses morceaux plus enlevés et post-punk pour chauffer le public. Mais cela marche moins bien qu’en salle. Probablement parce qu’à part Chatten, le chanteur qui arpente souvent la scène, habité, les autres musiciens sont très statiques et peu démonstratifs. Les gars s’appliquent à jouer leurs morceaux, certes, mais il manque un petit quelque chose. Le public de festival attend davantage car le groupe a beau s’être déjà construit une solide réputation, beaucoup de gens dans la foule ne connaissent pas les morceaux. Et il en faut plus pour qu’ils soient convaincus. Peut-être que le groupe se lâche un peu plus. Malheureusement ce ne sera pas le cas. Fontaines D.C. ne livre pas un mauvais concert mais c’est juste que l’ensemble est un peu trop sage. Le format court (ils n’avaient que 50 minutes) du set ne les a peut-être pas aidés non plus. Ni le choix peu judicieux de jouer une majorité de morceaux (5 en tout alors qu’il n’y en aura que 2 de Dogrel leur très bon premier album…) de Skinty Fia, leur toute nouvelle livraison, clairement moins convaincante (à part 2-3 morceaux comme Nabokov) que ses prédécesseurs, ça se confirme. Finir avec l’assez mièvre I Love You n’était pas ce qu’il y avait de plus pertinent non plus. Ou peut-être simplement que la scène du Zanzibar (revue pour cette nouvelle édition…) est encore un peu trop grande pour les irlandais. Autant de choses que je me dis tout en me dirigeant déjà vers la scène Illuminations pour voir les américains de DIIV (qui s’appelaient Dive, en référence à un titre de Nirvana, à leurs débuts mais ont dû ensuite orthographier leur nom différemment suite à un problème d’homonymie avec un autre groupe). Les mecs ont plusieurs albums au compteur mais je ne les ai jamais vus en live. Et leur set va être la bonne surprise de la journée. Leur indie-rock qui mêle noisy-pop et shoegaze avec quelques embardées bruitistes ici ou là va rapidement me parler. Le groupe met quelques morceaux pour entrer dans son set mais se montre ensuite très à l’aise. Si Cole Smith, devant assumer chant et guitare, reste posé, le bassiste et le second guitariste (c’est celui qui a les couettes !) se lâchent pour offrir au public un très bon concert. Après 50 minutes et un excellent Blankenship en guise de dernier morceau, on aurait bien pris un peu de rab mais le groupe doit s’arrêter là puisque Madness doit commencer à jouer sur la scène principale. Je décide donc de finir la soirée (j’ai bien entendu fait l’impasse sur l’imbuvable Liam Gallagher…) avec les vétérans de Madness. Bon, le groupe ne fait plus dans le ska depuis quelque temps déjà mais c’est quand même sympa, avouons-le, d’écouter My House ou One Step Beyond en live (et aussi de voir le chanteur prononcer un “motherfucker” quand il voit Boris Johnson apparaître sur le grand écran derrière lui…) avant de repartir et de zapper la journée du dimanche, complètement inintéressante ( à part Parlor Snakes et Johnnie Carwash que l’on aurait bien aimés voir sur scène…) pour les fans de rock… Rendez-vous est pris pour l’an prochain avec, on l’espère, une programmation un peu plus rock quand même !