BEAU LIVRE. Vous n’avez jamais rêvé de pouvoir glisser un œil dans le carnet de dessins de votre auteur de BD préféré? Eh bien, les éditions Daniel Maghen ont exaucé votre vœu avec la reproduction de 17 carnets d’André Juillard réunis dans ce superbe ouvrage! Si le dessinateur de Les 7 Vies de l’épervier ou, plus récemment, de Lena (scénarisé par Pierre Christin) ou d’épisodes de Blake et Mortimer (avec Yves Sente), est l’un de vos auteurs fétiches, en tout cas.
Notre homme remplit en fait des carnets depuis toujours ou presque. Mais s’adonne à ce plaisir (il avoue que l’exercice lui est tout simplement indispensable) de façon presque compulsive depuis 2005. En toute liberté, puisqu’ a priori, ces carnets (de formats différents, sur fond blanc, ivoire ou coloré, sur papier lisse ou velin) n’avaient pas vocation à être publiés. S’inspirant parfois de maîtres (Ingres, Klimt, Rembrandt…), de photographes (Sieff, White…) ou d’autres dessinateurs (Moebius, Crumb ou Blutch…), rendant hommage à des artistes que Juillard apprécie (Joyce, Giacometti…), croquant les héroïnes de ses livres (Ariane, Eve…) ou laissant tout simplement libre cours à son imaginaire. Mais qui le mène, le plus souvent, à dessiner des femmes. Beaucoup de femmes. Nues la plupart du temps. Dont les portraits sont parfois tout juste esquissés ou parfois, au contraire, très poussés et aboutis comme dans la série du Carnet gris 2008-2012 (l’un de nos préférés avec le carnet Acquerello 2007 150×150 mm) dont les dessins semblent appartenir au même thème issu du cerveau de Juillard, la rencontre (magnifique!) entre des sculptures qui tombent en ruines et des humains. Au pinceau direct sans crayonné préparatoire pour gagner en spontanéité. Au crayon avec rehauts de fusain et de blanc (comme pour ce nu, envoûtant, une femme, encore!, de dos sur papier de couleur ocre). Ou à la plume et à l’encre. C’est le carnet -et son papier- qui décident, explique le dessinateur, dans l’une des notes qui jalonnent parfois les carnets.
Il y a là quelque chose de véritablement émouvant, de feuilleter ces carnets (jusque là) restés secrets. D’entrer en quelque sorte dans l’atelier de Juillard et de s’installer à sa table à dessin, en son absence. Et de voir comment un simple trait peut donner vie à un personnage. D’autant que la qualité de reproduction est telle qu’au bout de quelques minutes de contemplation on a l’impression de tenir les vrais carnets entre nos mains. Un très beau livre, vraiment, qui nous donne accès à une autre facette du talent de Juillard. Et qui inaugure une nouvelle collection des éditions Daniel Maghen. Inutile de dire que l’on attend sa prochaine parution avec impatience!
(Recueil de carnets, 412 pages – Editions Daniel Maghen)