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CARTHAGE (Joyce Carol Oates)

carthageLa vie ressemblait au bonheur que l’on entrevoit dans nombre de séries américaines à Carthage, petite ville de l’état de New-York. Notamment pour Zeno Mayfield qui y était une personnalité appréciée. Ancien maire qui a œuvré pour améliorer le quotidien de ses concitoyens, ce bon père de famille allait bientôt marier sa fille aînée, la belle Juliet, avec Brett Kincaid, un gars bien, avec qui elle partageait sa foi, forte et inébranlable, en Dieu. Mais tout cela, c’était avant que Brett ne s’engage dans l’armée américaine pour prendre part à la croisade du Bien contre l’Axe du Mal en Irak, avant qu’il n’y voit des choses horribles –mutilations, tortures, viols- que l’on ne devrait pas voir, avant que le caporal Kincaid ne revienne au pays, mutilé physiquement et plus tout à fait lui-même dans sa tête et surtout avant que Cressida, la sœur de Juliet, ne disparaisse un soir de juillet 2005, après qu’on ne l’ait vu la veille au soir avec le fiancé de sa sœur…

Si Joyce Carol Oates entrecoupe sa narration à la troisième personne de plongées introspectives, désordonnées, parfois irrationnelles ou contradictoires, dans les pensées des protagonistes, c’est que cela sert 2 objectifs : créer un suspense, bien sûr, habile et haletant, qui nous tient en haleine jusqu’au bout du roman mais aussi montrer à quel point l’âme américaine est morcelée! A l’image de Cressida, complètement paumée, c’est tout le pays qui semble à la dérive. Une perte de repères dont l’auteur désigne ici le point de départ : le 11 septembre 2001 et la réaction des faucons de la Maison blanche et de Bush qui n’y ont répondu que par le mensonge, la violence et la haine. En décidant d’envoyer tous ces jeunes hommes naïfs et intoxiqués par leur propagande, ce sont d’innombrables vies que Bush a brisées : celles des irakiens, des soldats américains, de leurs familles qui ont ensuite dû gérer le deuil, le handicap ou les séquelles psychologiques mais aussi des victimes des violences perpétrées par ces mêmes soldats, souvent incapables de revenir à une vie normale à leur retour au pays.

En fait, Carthage a décidé de faire, une bonne fois pour toutes, le deuil du rêve américain! Qu’attendre en effet d’un gouvernement qui ment de façon éhontée à ses concitoyens et envoie sa jeunesse à la boucherie pour rien ou qui cautionne des actes de torture et de cruauté? Que penser d’un pays dont beaucoup d’états s’enorgueillissent encore de pratiquer la peine de mort, dont l’auteur dépeint également ici toute la barbarie et l’ignominie dans un chapitre marquant? Un roman coup de poing, dur parfois, qui brosse un portrait sombre de l’Amérique du début du XXIe siècle. Et riche car il nous parle aussi de pardon, de différence, ou des relations complexes dans une fratrie.

(Roman – Philippe Rey)

 

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