Une photo prise en Allemagne en 1945. On sait, parce qu’elle est célèbre, qu’elle montre une sorte de tribunal populaire dans un camp, à Dessau, où les réfugiés de la guerre passaient pour être pris en charge par les autorités alliées et dirigés vers leur pays d’origine. A droite, un jeune homme qui joue le rôle du juge, secondé par une femme dont la colère déforme le visage. En face de lui, une autre femme, apeurée celle-là, qui fait profil bas. Et tout autour les regards des réfugiés posés sur elle. Une photo forte qui dit beaucoup de choses : les alliés qui réinstaurent l’ordre et la justice après la barbarie nazie mais aussi les plaies et les souffrances engendrées par la guerre qui vont avoir du mal à cicatriser. Mais pas tout. Qui étaient vraiment les protagonistes de ce cliché ? Pourquoi Henri Cartier-Bresson se trouvait-il dans ce camp à ce moment-là ? Et quel était son objectif en faisant cette photo ?
Morvan et Savoia se proposent justement de répondre à ces questions en remettant cette fameuse photo dans son contexte. Ils reviennent ainsi ici longuement sur le parcours de Cartier-Bresson (son goût pour la peinture et le cinéma ; son engagement pour la liberté qui l’amena à réaliser plusieurs films -comme Victoire de la vie– montrant le combat des républicains espagnols contre le franquisme ; son arrestation dans les Vosges en 1940 puis son internement en camp de travail en Allemagne -le Stallag V- et ses 3 tentatives pour en échapper ; ou ses rencontres, déterminantes, avec Robert Capa -avec qui il fonda plus tard l’agence Magnum photos-, Paul Strand ou Jean Renoir), l’un des plus célèbres photoreporters, au moyen de flash backs (le récit commence en 1946 alors que le photographe est sur le point d’embarquer pour les Etats-Unis où le MoMA a organisé une rétrospective de son travail), pour expliquer ce qui l’a amené à prendre cette photo et, surtout, de cette façon. Complété par un portfolio de clichés de Cartier-Bresson commentés par Thomas Tode (documentariste et chercheur allemand), le récit s’avère vraiment passionnant. Tout comme le premier tome de la collection, Omaha Beach, d’ailleurs, dans lequel Bertail et Morvan se penchaient sur la célèbre photo prise par Robert Capa lors du débarquement en Normandie.
On l’aime beaucoup cette collection Aire libre/Magnum photos à la démarche très originale et novatrice qui croise, avec beaucoup de réussite, histoire, bande dessinée et photographie !
(Récit complet – Aire libre/Magnum photos)