Tout semble aller pour le mieux pour Vincent Marbier ! Après avoir sorti une dizaine de bds qui n’ont eu que peu de succès, le tome 1 du « Sentier des ombres » a cassé la baraque ! Plus de 100 000 exemplaires vendus ! Son éditeur, Rivages, est bien sûr enchanté et a prévu de sortir un premier cycle comprenant 4 tomes. Du coup, Playking, l’un des leaders mondiaux des jeux vidéo avec Ubisoft, envisage d’acheter la série d’heroic fantasy en licence pour en faire un gameplay. Le succès est enfin au rendez-vous sauf que Vincent part de plus en plus souvent courir en forêt…Car quand il se retrouve face à sa table de travail, rien ne vient et la page reste invariablement blanche…
Sylvain Runberg, peut-être justement pour ne pas connaître les affres de la panne d’inspiration, est un scénariste tous terrains. Séries grand public (« Hammerfall » ou l’excellent « Orbital »), récits plus intimistes (le superbe diptyque « Face cachée »), bandes dessinées au format classique ou romans graphiques : ses récits (plus d’une quarantaine, tout de même, à ce jour) font preuve d’une grande variété et aussi, très souvent, d’une grande inspiration, on le souligne souvent dans ces colonnes…
Avec « Cases blanches », notre scénariste a décidé de se pencher sur les mystères de l’inspiration et notamment sa fragilité. Que se passe-t-il quand un auteur (ou plus généralement un artiste) ne se reconnaît plus dans son œuvre ? Quelles options s’offrent à lui alors que son scénariste et son éditeur (sans parler du public qui lui demande régulièrement quand le tome 2 va paraître) lui mettent la pression et lui imposent des deadlines pour la remise des 10 premières planches ? Peut-on vraiment continuer à développer un univers que l’on n’aime pas ? « Cases blanches » décrit la crise existentielle artistique que Vincent traverse avec beaucoup de subtilité et une vraie justesse psychologique. Mais le vrai intérêt du récit est pourtant ailleurs : il propose en effet une passionnante plongée dans les coulisses du monde de la bd. Car pour mieux comprendre ce que Vincent vit et ressent, on le suit lors de ses entretiens, à Paris, avec son éditeur ou lors des séances de dédicaces (qui respirent le vécu !) avec le public et l’on découvre les rapports (amicaux ou plus tendus) qu’il peut avoir avec les autres dessinateurs ou éditeurs (qui ne se privent pas d’ouvertement le « draguer »). Bref, il nous permet de découvrir, et c’est plutôt rare, l‘envers (et pour Vincent l’enfer) du décor de la bd ! Un très bon récit, à la fois touchant et édifiant, indéniablement l’un des meilleurs de cette collection Grand Angle depuis assez longtemps !
(Récit complet – Grand Angle)