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CHEVREUIL (Gendron)

ROMAN. Et si Connor Digby avait enfin mangé son pain noir ? C’est l’impression que cela donne en tout cas à voir l’anglais écrire ses romans pour enfants à succès dans sa jolie demeure de Saint-Piéjac, dans le sud-ouest de la France, important de temps à autres une vieille voiture de collection qu’il revend à quelque riche bonhomme des environs. D’autant qu’une jolie rousse à forte poitrine, Marceline, vient de faire irruption dans sa vie comme par enchantement (elle avait crevé devant chez lui…). Ce serait oublier qu’à Saint-Piéjac les rancœurs sont tenaces. Surtout à l’encontre des étrangers…Et bientôt, Connor Digby va se retrouver haï par tout le village ou presque. Cela fait déjà beaucoup de monde, auquel il faut encore pourtant ajouter Damian Cescu, un truand qui fait dans la drogue, que Marceline vient, enfin, d’avoir le courage de quitter. Et le marquis de La Chesnaye, qui l’a mauvaise, très mauvaise, de ne toujours pas pouvoir rouler avec sa Cadillac Eldorado…Bref, l’Union Jack est bientôt hissé dans le jardin de Digby et on va bientôt rejouer la guerre de cent ans à Saint-Piéjac !

Des chasseurs bas du front qui picolent ou sniffent de l’éther et font des rodéos à bord de leur Nissan Navara dans les rues du village ; un cochon gagné à un loto ; un buraliste conseiller municipal envoyé en prison pour avoir voulu se venger d’un anglais qui avait mis au jour une fraude au permis de construire ; de petites frappes capables de tout pour quelques euros ; une employée communale au physique d’ogresse qui fait croire qu’elle est atteinte du syndrome de la Tourette en guise de narratrice et au milieu de tout ce petit monde un anglais, qui parle français comme Jane Birkin et une rousse aux gros seins qui veulent juste s’en payer une bonne tranche et baiser, le plus souvent possible : voilà le casting improbable réuni par Sébastien Gendron dans ce récit joyeusement délirant, qui flirte souvent avec l’absurde pour mieux dépeindre les travers racistes, sexistes et homophobes de nos campagnes françaises. Un véritable jeu de massacre jubilatoire en même temps qu’une ode, assez hallucinée, à la vie qui voit tout ce petit monde s’épier, se renifler, se menacer et…s’entretuer, emmené par l’écriture aiguisée, souvent truculente (bien sûr le français approximatif de Digby fait office de running gag et certaines scènes sont juste hilarantes) de Gendron à qui l’excès ne fait pas peur. Après tout, ne dit-on pas que la réalité dépasse souvent la fiction ? Alors notre homme y va franchement et gaiement. Et on en redemande !

(Roman, 344 pages – Gallimard/La Noire)

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