BD. Guy Delisle profitait des longs séjours (en Birmanie, en Israël, en Chine ou en Corée du nord) qu’il faisait à l’étranger pour son travail (dans l’animation) pour raconter ces expériences dans des pays tout de même très différents de notre monde occidental dans des chroniques dessinées (Chroniques de Jérusalem est le dernier titre de la série à être paru, en 2011). Comme il ne voyage plus autant, il a trouvé une solution pour continuer ses chroniques: le voyage dans le temps!
En effet, avec Chroniques de jeunesse, il nous raconte, cette fois, sa première expérience professionnelle alors qu’il était encore étudiant en Arts plastiques, puis en animation. Pendant 4 étés successifs, il a ainsi travaillé dans le “shop” de son père (il y était dessinateur industriel): l’usine de pâte et de papier de Québec, qui domine d’ailleurs tout le paysage environnant. Et il évoque ce qu’il a vécu au cours de ces longues journées (il y travaillait 12 heures par jour, souvent la nuit) qui semblaient parfois interminables: les conditions difficiles (à cause de la chaleur et du bruit), en quoi consistait sa tâche de sixième main, le caractère des différents ouvriers, le manque d’ouverture d’esprit qui y régnait ou les rencontres qu’il a faites. Avant tout centré sur ce qu’il a vécu à l’usine, Chroniques de jeunesse aborde aussi la relation, assez complexe, de l’auteur avec son père, qu’il s’obligeait à aller voir, une fois par été, chez lui (ses parents étaient divorcés) ou la découverte du rayon BD pour adultes (et de Tardi, Moebius, Comès, Rochette ou Munoz, qui allaient le marquer durablement) de la bibliothèque qui ouvrit ses portes dans son quartier.
Des chroniques mises en images dans le style graphique typique de Delisle (un trait simple, qui va à l’essentiel, rehaussé de gris et de jaune!) qui brossent, en filigrane, le portrait de l’adolescent, renfermé et peu à l’aise en société (ce n’est pas vraiment un hasard s’il s’est dirigé vers le dessin…), que l’auteur était alors. Moins dépaysantes et exotiques que les chroniques précédentes, ces Chroniques de jeunesse sont par contre plus intimistes (même si l’auteur garde toujours une certaine retenue). C’est ce qui fait leur charme.
(Récit complet, 136 pages – Delcourt)