BD. Belo Horizonte, Brésil, 1937. Oswaldo Wallace est devenu riche grâce aux mines qu’il possède. Mais sa prospérité est menacée par les syndicats, et notamment Rebendoleng, qui est à lête de l’un d’entre eux, qui a lancé une grève pour que les mineurs soient enfin payés. Wallace décide de s’offrir les services de membres du mouvement intégraliste, un parti d’extrême-droite, pour obliger ces « communistes » à abandonner leur grève. L’un d’eux est Porfirio Martins. Il deviendra, des années plus tard, policier au sein du D.O.P.S. et torturera les opposants à la dictature militaire du général Costa e Silva. L’un des enfants de Wallace, Severino, et Iara Rebendoleng, notamment, passeront entre ses mains dans les années 70…
Il a fallu 3 ans et demi de travail à Mathias Lehmann pour venir à bout de Chumbo. Il faut dire que l’objectif n’était pas simple : faire le portrait d’un pays, le Brésil, dont sa mère est originaire, pour mieux le connaître. Et pour cela, quoi de mieux que de prendre une famille, les Wallace -le père, Osvaldo, aussi détestable avec ses employés qu’avec les siens ; la mère, Maria-Augusta, qui a du caractère mais a dû, malgré tout, abandonner sa carrière d’écrivain pour se consacrer à sa famille ; les garçons, Ramires et Severino, très différents, qui prendront des chemins totalement opposés et les filles, Adelia, Ursula et Bérénice- et lui faire traverser le XXe siècle, mouvementé, de son pays, entre aspirations à davantage de libertés, coups d’état militaires (soutenus par les américains pour éviter que la vague rouge communiste ne submerge aussi le Brésil) à répétition menant des dictatures brutales au pouvoir, combat pour la démocratie (l’élection du président au suffrage universel n’est promulguée qu’en 1988) et lutte des indigènes pour leurs droits et leurs terres ?
Une évocation particulièrement crédible et réaliste puisqu’on est plongés, avec les Wallace et les gens qui gravitent autour d’eux (comme les Rebendoleng et les Martins, que l’on retrouvera à divers moments importants du récit), dans le quotidien des brésiliens, leurs préoccupations, états d’âme, histoires d’amour (et de sexe) et passions : le football, quasiment une religion, la danse et la samba, la musique ou encore les paris clandestins (comme le Jogo do Bicho), autant de choses qui font la spécificité du Brésil, Lehmann incorporant publicités, unes de journaux ou encore affiches (qu’il reproduit à l’identique) à son histoire pour rendre l’ensemble le plus immersif possible. Son dessin en noir et blanc et l’utilisation de hachures (qui rappelle Crumb, une influence revendiquée par l’auteur) s’avère d’ailleurs ici particulièrement adapté et sert parfaitement le récit.
A la fois saga familiale et fresque historique, Chumbo est un récit ambitieux (pas loin de 400 pages…), dense parfois (les personnages sont nombreux et les évènements se succèdent par moments un peu rapidement) mais qui s’avère, au final, assez captivant. Une plongée dans l’Histoire du Brésil qui permet, notamment, de comprendre comment un Bolsonaro a pu y être élu récemment…
(Récit complet, 368 pages – Casterman)