Skip to content Skip to footer

Congés annulés pour le duo BATTLES

Rotondes, Luxembourg, 16 août 2022

Vous en avez un peu l’habitude maintenant, le festival Congés Annulés aux Rotondes de Luxembourg est devenu un passage obligé de l’été dans la région Grand-est. Cette année encore, la programmation était vraiment chouette avec notamment la présence de Mono, Squid ou Battles, qui faisait figure de tête d’affiche. L’occasion était bien entendu trop belle : il nous fallait rencontrer John Stanier, qui a également officié chez Tomahawk et Helmet et Ian Williams, qui a joué au sein de Don Caballero et Storm and Stress, excusez du peu… pour leur poser quelques questions. Rendez-vous est pris pour 18h20. Les balances sont faites, le groupe vient de manger, on commence donc à s’installer avec John dans le salon qui jouxte la salle et on commence à papoter en attendant l’arrivée de Ian parti chercher des affaires dans le van…

John : Tu m’as dit que tu écrivais pour quel webzine ?

Positive Rage, un webzine en langue française.

(Il prend son portable et va sur le site…)
John : C’est celui-là ?

Oui, c’est ça. Là tu peux voir l’une des dernières chroniques que j’ai faites, celle du premier album de The Smile.

Ça ne me dit rien.

Mais si, tu sais, c’est le nouveau groupe de Thom Yorke de Radiohead…

Ah oui, ok. Je ne connaissais pas le nom du groupe. J’ai bien aimé les singles tirés de l’album.

Tu aimes ce que fait Radiohead ?

Ça dépend. Je trouve que ce qu’ils ont fait est assez irrégulier. Il y a des super trucs et d’autres qui me laissent froid. Et j’ai aussi du mal à m’y retrouver dans tous les projets parallèles qu’ils ont…

C’est vrai qu’il y en a pas mal. Thom Yorke a fait des trucs solos qui sont vraiment biens. Et des musiques de films aussi.

Ouais, je sais que le guitariste, Greenwood, en a fait aussi. Il y a des trucs pas mal.

Et là c’est la dernière interview que l’on a postée, celle de Quiksand.

Ah super. Tu sais que ce sont de bons amis à moi ?
(Ian arrive à ce moment-là et Felicity, la manager de la tournée, en profite pour me glisser qu’on a 10 minutes… Je négocie un peu et obtiens un peu de rab…)

Salut Ian

Salut !

Je t’attendais pour que l’on parle de la tournée. Comment ça se passe ?

Ça se passe super bien. C’est vrai que c’est un vrai plaisir de retrouver la scène et de pouvoir de nouveau jouer devant des gens. C’est une assez grosse tournée. On a commencé par beaucoup de dates aux Etats-Unis et on a ensuite enchainé en Europe. On est à peu près à la moitié de la tournée en Europe. Demain, on va en France d’ailleurs (NDR : à Saint-Laurent, pour le festival Check-in party)…

Ça doit être une sacrée bouffée d’air frais après la période Covid. Comment vous avez vécu cette période d’ailleurs ? En tant qu’individus mais aussi en tant que groupe ?

Ian : C’est clair que ça a été une période compliquée. On a dû mettre le groupe entre parenthèses pendant environ un an. J’ai chopé le Covid au début, au printemps 2020. Une forme assez costaud. Il y avait aussi les enfants à gérer. J’ai un fils et une fille. Et ils n’ont pas eu d’école pendant un an.

Pendant un an ?

Ouais. Du coup, ils faisaient les cours sur ordinateur. Et je peux te dire que ça craignait… Du coup, c’est vrai que ça a été une période assez difficile pour le groupe. Mais je suis quelqu’un d’optimiste et je me disais que ça irait mieux, que l’on verrait un jour ou l’autre la lumière au bout de ce tunnel et que l’on revivrait une vie comme avant rapidement…

Et on y est ! Je suis en face de vous. Je peux de nouveau vous rencontrer pour vous poser des questions et ce soir vous allez jouer devant les luxembourgeois….

John : C’est ça. Et c’est bien cool. En même temps, notre chance a été d’avoir sorti notre nouvel album, Juice B Crypts juste avant le Covid (NDR : en octobre 2019). Et on avait même eu le temps d’en faire la promo et de tourner pour jouer les morceaux en live.

C’est sûr. La frustration aurait été énorme si vous aviez sorti l’album juste avant le confinement sans pouvoir le défendre sur scène… C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à pas mal de groupes….

John : Carrément. On peut s’estimer chanceux…

Je voulais revenir sur le départ de Dave (NDR : Konopka) du groupe en 2018… Vous avez été surpris quand il vous a annoncé qu’il quittait le groupe ?

John : Totalement. Bien sûr, il pouvait y avoir des tensions par moments. Mais on ne s’attendait pas à ce qu’il le fasse à ce moment-là, alors que l’on traversait une période difficile, notamment financièrement et que l’on avait des engagements…

Ian : Après, cela faisait quelque temps que l’on faisait un peu notre truc chacun de notre côté avec Dave… Et je trouvais qu’il faisait de moins en moins d’efforts pour faire des compromis… Du coup, même si ça a été un rude coup, ça a en quelque sorte clarifié les choses…

John : En fait, je pense qu’il avait pris cette décision depuis quelque temps déjà mais qu’il n’osait pas nous le dire. Il ne savait probablement pas comment s’y prendre pour le faire….

Et quand il vous l’a annoncé il était clair pour vous que le groupe allait continuer ou vous vous êtes quand même posés la question ?

Ian : On savait que le groupe allait continuer. Bon, c’est sûr que quand on l’a appris, pendant 1 heure ou 2, on a eu des doutes mais rapidement j’ai appelé John et on était d’accord pour dire que le groupe allait continuer. Différemment, forcément, mais Battles allait continuer.

Finalement, c’était juste un nouveau challenge pour le groupe. Vous qui aimez expérimenter, vous vous êtes retrouvés face à un nouveau défi forcé…

John : C’est vrai (NDR : ils rient tous les deux). De toutes façons, c’est ce que l’on fait depuis le début… (NDR : ils étaient quatre au début). Après la version trio on est maintenant un duo. On va voir où ça va nous mener. La prochaine étape c’est Ian ou moi seul… (NDR : John rit de nouveau…).

Ce sera a priori la dernière version du groupe…

John : C’est ça !

Vous aviez déjà commencé à composer pour Juice B Crypts avant le départ de Dave ?

John : Non. On s’y est mis après. Juice B Crypts représente vraiment la nouvelle formule, en duo, de Battles !

Du coup, vous pouvez jouer ces nouveaux morceaux en live sans problème particulier.

Ian : Complètement. Bon, on ne peut pas encore jouer tout notre catalogue à deux parce qu’il y a des morceaux que l’on n’a pas eu le temps de bosser en formule duo mais si on s’y met je pense que l’on serait capable de jouer tous nos morceaux à deux sur scène.

Du coup, comment se fait le travail de composition actuellement dans Battles ?

John : Il n’y a rien de particulier. Il y a beaucoup de va-et-vient entre nous deux. On échange, on essaie, on garde, on jette, on expérimente… Une grand partie de ce travail se fait dans le sous-sol de Ian d’ailleurs.

Vous avez commencé à travailler sur un prochain album ?

Ian : Oui, on a un peu commencé… (NDR : Je sens qu’il ne veut pas trop en dire…)

Et quelle direction ces nouveaux morceaux semblent prendre ?

Ian : Tu sais, avec Battles on ne sait jamais. Parfois ça part dans une direction (NDR : il mime avec ses mains en même temps…) puis ensuite ça change, après ça change de nouveau et ça peut revenir au point de départ…

Ok. Est-ce que vous pourriez me parler du morceau Fort Greene Park et notamment de sa vidéo bien sympa ?

Ian : C’est le gardien de mon immeuble qui m’en a donné l’idée quand je l’ai vu avec son Ewheel. Tu sais cette espèce de roue avec des endroits pour mettre tes pieds de chaque côté qui te permet d’avancer à des vitesses assez incroyables. En fait, souvent, le soir, je le voyais partir avec d’autres gars qui avaient le même appareil pour sillonner les rues de New-York et j’ai eu envie de montrer ça dans la vidéo, toutes les façons parfois rigolotes ou surprenantes que les new-yorkais utilisent pour se déplacer dans la ville… Et Fort Greene Park c’est un parc où je me rends régulièrement avec ma famille. Mes enfants font de la trottinette là-bas.

J’aime beaucoup les titres que vous donnez à vos morceaux. Ils sont souvent étranges et surprenants. Par exemple, d’où vient Sugar Foot (NDR : un morceau de leur nouvel album) ?

Ian : Là, c’est John qui va te répondre (NDR : il rit).

John : Ok (NDR : il rit aussi). Alors parfois quand je suis à la maison je regarde cette chaîne, sur le câble, de musique country. Bon, je ne suis pas forcément fan de ce genre de musique mais je regarde comme ça, par curiosité. Et une fois je suis tombé sur cette espèce de danse country où tout le monde est aligné et elle s’appelle Sugar Foot(NDR : il rit de nouveau...). J’ai pensé que cela ferait un bon titre de morceau…

C’est très ironique alors…

John : Oui, complètement !

Et qu’aviez-vous envie de faire avec ce morceau ? Quelle était l’idée de départ ?

Ian : En fait, on a proposé à Jon Anderson, du groupe Yes, de collaborer à ce morceau. C’est surtout ça l’idée de départ. En réalité, on n’était pas sûrs du tout qu’il allait accepter. Grâce à des relations de John on lui a parlé de cette idée de collaboration et à notre grande surprise, il connaissait Battles et il a accepté. Bon, après ça s’est un peu compliqué… Car Jon a mis un peu de temps à nous envoyer ses parties vocales et on croyait qu’il ne voulait plus le faire. Du coup, entre temps on avait proposé à Prairie WWW, euh non WWWW, il y a quatre W… un gars de Taiwan dont on aime le travail, de participer au morceau. Et on s’est retrouvé avec les contributions des deux à utiliser en fin de compte… Du coup, on a utilisé celle de Prairie WWWW sur l’intro, c’est le chant chinois que tu entends et celle de Jon pour la suite du morceau….

John : Les synthés sur l’intro de ce morceau me font penser à du Genesis(NDR : il est hilare…).

Ah euh ok, il faut que je réécoute le morceau pour être attentif à ça alors… Merci encore d’avoir pris de votre temps pour répondre à mes questions en tout cas et bon concert tout à l’heure !

Le concert, puisqu’on en parle… On était clairement curieux de voir ce que cette nouvelle formule en duo du groupe allait donner. Williams et Stanier ont trouvé une espèce de présentation pseudo-scientifique en guise d’intro plutôt bien vue qui permet à Ian de lancer ses bidouillages de synthés. John le rejoint discrètement et petit à petit on retombe sur l’intro de The Yabba, qui lance parfaitement le concert. A ma grande surprise, la salle n’est remplie qu’à moitié mais il fait déjà chaud. Le jeu très énergique de John fait qu’il dégouline tout de suite de sueur après ce premier morceau qui fonctionne toujours aussi bien en live. Le groupe joue ensuite majoritairement des titres de Juice B Crypts, ce qui est logique puisque c’est le dernier album en date mais comme je l’ai moins écouté que les autres (parce qu’il m’a moins enthousiasmé), je trouve que le set perd en intensité. Mais comme je suis juste devant la scène, le jeu puissant, avec ses rythmes souvent syncopés typiques, de John Stanier, me garde dedans. Et Juice B Crypts comporte tout de même son lot de bons morceaux : Titanium 2 Step, avec Sal Principato au chant, Sugar Foot ou Fort Greene Park, dont le duo livre ce soir des versions inspirées. Comme à son habitude, Ian Williams jongle : d’une main il sort des sons de sa guitare en mode tapping (avec sa main gauche alors) ou avec son médiator (main droite) et de l’autre il bidouille ses machines et synthés. Et il trouve encore le moyen de danser… Le groupe finit, comme souvent, le concert avec Atlas, leur « tube », issu de Mirrored. Avant de s’éclipser Ian explique qu’ils ne feront pas de rappel. Dommage, on reste un peu sur notre faim, le set n’ayant duré qu’une heure… Le public est visiblement de mon avis puisque pas mal de gens continuent de crier et d’applaudir, espérant le retour du duo. Au bout de 2/3 minutes Ian revient effectivement mais pour se joindre au public et applaudir la scène vide… Le groupe a livré une bonne prestation malgré tout mais tout de même un ton en dessous de la dernière fois que je les avais vus. A cause du passage en duo ? Des morceaux un peu moins inspirés du dernier album ? Probablement un peu des deux…

Leave a comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.