Angleterre, milieu du XIXe siècle. John Caldigate est l’un de ces nouveaux aventuriers. Parce qu’il s’ennuie dans son pays, mais aussi parce qu’il n’a aucune envie de reprendre la ferme et les terres de son père, riche propriétaire, le jeune homme décide de partir en Australie avec un ami. Là-bas, il s’associe à Crickett, un colon qui a déjà une certaine expérience des filons aurifères, pour exploiter une mine d’or qui rapporte rapidement gros. Sa fortune faite, Caldigate revient en héros dans sa ville natale où il peut demander celle qu’il aime, Hester, en mariage à son père, Mr Bolton, un riche banquier, qui, devant une telle réussite en affaires, ne peut refuser. Quelques mois plus tard, la famille Bolton reçoit une lettre d’Australie d’une certaine Mrs Smith qui dit être mariée à Caldigate et vouloir le traîner en justice pour bigamie…
Ce n’est, bien sûr, pas la première fois qu’un auteur de bande dessinée adapte un classique de la littérature anglaise. Cependant, rares sont ceux qui font le choix, comme ici Simon Grennan, de proposer une transposition fidèle du texte de Trollope et de son « John Caldigate » et de restituer de la manière la plus authentique qui soit la culture de l’époque. Du coup, cela donne au récit un côté austère, un brin anachronique (d’autant que la narration est un peu heurtée puisqu’elle a souvent recours à l’ellipse entre les différentes scènes et que le dessin saisit souvent les personnages dans des poses peu naturelles) qui pourra rebuter de prime abord. Cela serait pourtant dommage de ne pas aller au-delà de cette singularité, par ailleurs complètement voulue par l’auteur, car « Courir deux lièvres » donne, en même temps, au lecteur l’opportunité, rare, de plonger dans la société anglaise de l’époque victorienne et ses us et coutumes particulièrement rigides : l’importance du qu’en dira-t-on et des apparences, de l’honneur de la famille, l’obligation pour les filles de faire ce que leur père décide pour elles ou le puritanisme rampant. C’est bien sûr ce qui fait tout l’intérêt (en plus de montrer la cohabitation entre colons anglais et aborigènes australiens) de ce récit, c’est vrai, pas forcément facile d’accès.
(Récit complet – Les impressions nouvelles)