Didier est boucher, un boucher on ne peut plus heureux. Parce que sa petite affaire fonctionne bien et, surtout, parce qu’il a une vie de famille qui le comble : il est très amoureux de sa femme, Sandrine, et ensemble ils ont eu un petit garçon merveilleux, Arthur. Jusqu’au jour où il surprend sa femme en train de le tromper avec Eric, son meilleur ami, avec qui ils partent tous les étés en vacances. Pendant un an, Didier ronge son frein, parvenant à garder une jovialité de façade à la boutique, espérant que cette aventure ne soit qu’une passade mais quand il comprend que cette histoire a complètement tourné la tête de Sandrine, il commence à réfléchir à un plan pour y mettre un terme définitif…
Rabaté revient, avec une nouvelle comédie. Une comédie noire et acide qui vient nous parler d’amour, d’adultère et de vengeance. Des thèmes vieux comme le monde, bien sûr, mais qui apparaissent ici sous une lumière nouvelle, différente, traités à la mode Rabaté. Cette « patte », c’est, en premier lieu, l’intérêt que l’auteur porte à ses personnages et son talent pour suggérer leurs fragilités, leur noirceur, leur mesquinerie, leurs désirs ou leur violence à travers quelques détails révélateurs : un mot échappé ici ou un geste qui trahit là. Et dans ce jeu du chat et de la souris auquel Sandrine et Didier (ce dernier épie tous ses faits et gestes, allant jusqu’à espionner son portable ou la suivre lorsqu’elle part « faire des courses ») prennent part, chaque regard (de dépit, pour Didier, quand il comprend qu’elle va de nouveau rejoindre son amant), chaque humeur (bonne, si elle a rendez-vous ou mauvaise si Eric annule au dernier moment, pour Sandrine) sont rendus avec une acuité incroyable et nous parle, nous raconte l’histoire de ces êtres. Difficile, dans ces conditions, de ne pas être touché (par exemple) par la détresse de Didier. D’autant que notre homme, fan de bande dessinée, a bons goûts en la matière !
Côté dessin, Simon Hureau est parvenu à jouer la partition de Rabaté avec l’équilibre qu’elle exigeait : son trait allie en effet avec une belle réussite comique et précision dans l’expression des sentiments. Bref, un très bon récit, tout simplement. Et pour être complet, sachez que Futuropolis a profité de la sortie de « Crève saucisse » pour rééditer « Bienvenue à Jobourg » (que Rabaté avait réalisé à l’occasion d’une résidence artistique en Afrique du sud en 2003) dans lequel l’auteur brosse un portrait chaleureux et authentique de ce pays. Une nouvelle édition graphiquement plus sobre (les aplats de couleur ont disparu) et agrémenté d’un carnet de croquis réalisés sur place. Deux Rabaté d’un coup : elle est pas belle la vie ?
(Récit complet – Futuropolis)