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DÄLEK icône à classe

Belle émotion que de rencontrer à nouveau Dälek (prononcé Dialec(t) ce soir au 6par4 à Laval. Les productions du MC Dälek et de son comparse Oktopus tournent dans mon mange-cd depuis 1998, l’époque où ‘Negro Necro Nekros’ sort sur Gern Blandsten. Depuis le duo n’a pas chômé en sortant quatre albums sur Ipecac. Un mélange détonant mariant hip hop et noise avec de plus en plus de rigueur et d’âpreté. En tournant sans cesse, en multipliant les collaborations Dälek s’est fait un nom sans doute plus respecté sur la scène ‘rock’ que dans d’autres milieux. Musique brute, sale, expérimentale, elle traduit une avancée sans concession où le son est la richesse de tout. La base de leur adrénaline. Ce soir, ils sont trois sur scène. La paire est accompagnée d’un guitariste qui triture sans relâche ses cordes pour mieux fixer la profondeur noisy des ambiances. Décibels à gogo. Show ultra-puissant. Le public peu nombreux se réfugie au fond de la salle ce qui a le don de provoquer l’énervement, l’agacement du MC et d’Oktopus. Drôle d’ambiance. Le concert est bon mais l’échange n’y est pas. Pourtant, deux heures avant, MC Dälek s’est montré très affable. Sympathique, simple, volubile, très content de l’accueil français sur les dates précédentes, il a répondu à chaque question. Casquette vissée sur la tête, laptop sur les genoux, barbe bien taillée, regard profond, langue acérée, ce petit personnage atypique engoncé dans un vieux fauteuil en cuir presque trop petit pour lui, dégage une sincérité directe. Speak Volumes !

Photo : Georg Schroll

Si je te parle de Charles Maggio (membre fondateur du groupe Rorschach et fondateur du label Gern Blandsten sur lequel est sorti le premier album).
Ce sont nos racines, celui avec qui tout a commencé. Si ça n’avait pas été grâce à lui, à Rye Coalition, The Van Pelt, The Lapse, All Natural Lemon and Lime Flavors, je serais encore en train de déambuler dans les caniveaux. Oktopus a enregistré pas mal de ces groupes; les disques des Van Pelt etc… Il avait donc un contact avec lui et quand j’ai rencontré Oktopus, il travaillait déjà pour lui. Un jour, après un show d’Oktopus à Brooklyn, alors que je m’occupais du PA, Charles est venu me voir et m’a dit qu’il aimait ce que moi et mes potes faisions. Qu’il aimerait sortir quelque chose avec nous.

J’ai découvert Dälek parce que j’étais fan de tout ce que Charles Maggio sortait.
Oui, à l’époque, il n’y avait pas un seul mauvais groupe sur son label. Toujours à cette époque, il n’y avait pas vraiment de scène hip hop underground avec laquelle nous pouvions tourner alors nous avons tourné avec des groupes du label. Nous sommes partis avec All Natural Lemon and Lime Flavors, nous avons aussi beaucoup tourné avec The Trans Megetti et The Lapse nous a invités à ouvrir pour eux sur une tournée européenne en 1999.

Etait-ce un challenge pour vous de sortir un album sur un autre label qu’un label de hip hop ?
Je ne sais pas. Nous faisions déjà quelque chose de ‘barré’. Quelle différence ça faisait ? Nous voulions juste sortir notre album. C’était déjà une surprise en soi que quelqu’un veuille bien le sortir. C’était aussi une sacrée expérience de voir ce que moi et Oktopus pouvions faire.

Si maintenant je te dis Mike Patton.
C’est le chapitre suivant. Encore une fois, c’est toujours étonnant comment les choses arrivent. Nous nous sommes rencontrés à l’un de nos concerts. Il nous a suivis sur quatre shows et lors du dernier il est venu me dire combien il aimait notre façon de sonner. Nous lui avons rétorqué « pourquoi ne nous emmènerais-tu pas en tournée ? » Et il nous a répondu « Je pars en tournée en Europe dans deux semaines…si vous voulez venir.. » Et au final on a ouvert pour Tomahawk et lors du premier show en Belgique ils nous a demandé de manière assurée ce qu’il devait faire pour sortir notre prochain album. Et ça fait depuis quatre albums que nous sommes avec lui sur Ipecac. Tu sais, c’est vraiment un honneur de sortir des albums sur le même label que celui de The Melvins, Isis…

J’ai l’impression que Dälek ne convient pas au cadre hip hop.
J’ai envie de te demander ce qu’est le cadre hip-hop pour toi. Si tu vois le hip hop d’aujourd’hui uniquement comme de la musique ‘pop’ alors oui nous ne rentrons pas dans cette case. Le hip hop possède une vraie culture qui englobe tellement de choses. J’ai grandi avec le hip-hop. C’est en moi. C’est la mentalité DJ. Peu importe les sons que j’utilise. Regarde Kraftwerk ! Ce groupe ne s’est pas demandé s’il faisait du hip hop…il sortait juste ces sons. Peu importe comment les gens nous voient. Je sais qui je suis et ce que je fais sans chercher à prouver quoi que ce soit. J’essaye juste de faire de la bonne musique.

En dehors de ce que tu sors sur Deadverse Records, ton propre label, voudrais-tu sortir un album sur un label bien précis ?
Comme Patton l’a déjà dit … si Def Jam venait à frapper à notre porte en nous proposant un million de dollars pour sortir un album, il nous forcerait à le faire et il nous reprendrait sur Ipecac un fois virés (rires). Mais la question ne se pose pas. Seule la musique est importante. Si ça devait se faire pourquoi pas mais avec Ipecac et Deadverse il faudrait qu’un label nous apporte beaucoup pour le rejoindre. Qu’est-ce que Def Jam peut faire pour nous que ce que je fais déjà pour moi ? Peu importe d’être sur un label hip hop, j’en gère un (rires).

Même si tu viens du New Jersey, qu’est-ce que New York t’inspire ?
C’est notre ville. Je remercie mes parents honduriens qui lorsqu’ils ont immigré en 1972 ont choisi cette partie des US. Tu sais ils auraient pu facilement choisir le Texas (rires) et j’aurais été une personne complètement différente. Je crois que je suis le fruit de l’endroit où j’ai grandi. Ce mélange de cultures, les gens, la musique, la nourriture… Ca fait onze ans que nous sommes sur les routes du monde entier et j’ai vu vraiment des endroits incroyables mais rien n’arrivera à la cheville de New York. Je ne voudrais pas être le citoyen d’un autre endroit que celui-ci. Détrompe-toi ! J’adore voyager mais New York, c’est tellement particulier.

Tu as des origines honduriennes, en sais-tu plus sur tes racines ?
Non (rires). Si tu cherches un melting-pot sur cette planète tu peux vraiment le trouver en Amérique Centrale. Les natifs, les indigènes, les européens, les esclaves africains, les asiatiques se sont tous regroupés à cet endroit à différents moments.

Te sens-tu ‘culturellement’ proche de l’Afrique ?
Bien sûr. Quand on parle de racisme, cela m’a toujours étonné que les gens ne réalisent pas que c’est de là qu’ils viennent. Cela serait tellement plus simple si une bonne fois pour toutes on prenait en compte le fait que l’Afrique est le berceau de l’humanité, de la civilisation. Pourquoi cela est-il si difficile à accepter pour une personne blanche ? Nous avons tant en commun et nos différences sont si minuscules. Et si différence il y a, toute différence n’est-elle pas belle ? N’ayons pas peur des différences. Au contraire, célébrons-les !

Revenons à la musique. Tu reconnais avoir été énormément influencé par Public Enemy. Tu es plus Chuck D ou Flavor Fav ?
Ah Chuck D ! A lui seul, il est un cours d’histoire mais pas le genre qu’on enseigne à l’école. Aux Etats-Unis si tu ne fais pas partie de la majorité, à l’école, tu es très vite mis en marge. L’histoire enseignée est centrée sur l’Europe et tu n’apprends pas vraiment grand chose sur l’Amérique Centrale, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Asie. Tu ne sais rien de ce qui s’y est passé. Tu sais, je n’avais jamais entendu parler de Malcolm X …on ne t’enseigne pas ça et pourtant c’est un personnage important. Il est important de connaître les conditions qui l’ont amené à exprimer ce qu’il a ressenti, de savoir par quoi il est passé plutôt que de se focaliser sur son côté ‘méchant militant prêt à détruire les Etats-Unis’. Quand je me suis plongé dans ses écrits je me suis demandé pourquoi diable tout cela a été censuré. C’est une honte ! Je ne peux qu’être impressionné par ce qu’il a réalisé dans sa vie. Il était plein d’humanité. Ses vues ‘anti-blanches’ ont beaucoup évolué à partir du moment où il s’est rendu à la Mecque et qu’il a vu que les musulmans étaient de toutes les couleurs. A la fin de sa vie il a donné une nouvelle forme à ses convictions…ce qui est super. Vivre c’est ça ! Tu apprends de nouvelles choses en permanence. Tu dois toujours voir les choses d’une manière différente et parfois peut-être que tes idées changent totalement. C’est de cette manière que les gens devraient regarder et admirer Malcolm X. Quel homme incroyable !

J’ai toujours pensé que tu étais plus Malcolm X que Martin Luther King.
Oui. Je ne suis pas du genre à tendre l’autre joue si tu vois ce que je veux dire (rires). Je ne crois pas en ces foutaises. Honnêtement je crois que les minorités ont tendu l’autre joue trop longtemps…et quand je parle de minorités je ne pense pas qu’aux minorités raciales…je pense aux petites gens… Nous attendons d’hériter de cette terre depuis le tout début. On n’a pas arrêté de nous dire qu’à notre mort ce sera le ‘Paradis’…mais entre temps un type comme Maddof, qui a détourné des milliards de dollars des mains d’investisseurs, lui, il n’a connu que le Paradis ! Je ne veux pas attendre. Est-ce que le Paradis existe ? Je veux tout, tout de suite pour chacun d’entre nous. Alors tu vois…tendre l’autre joue…

Te considères-tu comme un combattant ? Quand tu montes sur scène, ton regard, ta position…on dirait que tu es prêt à te battre.
J’ai toujours pensé que monter sur scène tenait plus de la thérapie qu’autre chose. J’y exprime ma colère, ma frustration, mes opinions. J’ai vraiment de la chance d’avoir cet exutoire. Beaucoup de gens que nous connaissons ne l’ont pas et ils tendent l’autre joue. La musique pour moi, c’est comme si, sur scène, je pouvais avoir une conversation normale avec les gens. Si, dans la vie de tous les jours je marchais et me comportais comme je le fais sur scène je serais en prison (rires). Je ne suis pas une voix. Je parle de ma voix et j’essaye d’être la voix de ces gens qu’on n’entend pas, dont leurs histoires sont ignorées.

Quand t’es-tu réellement rendu compte que tu allais être celui que tu es aujourd’hui ?
C’est une question piège…tu sais j’ai commencé comme DJ pas comme MC. Mes cousins étaient DJs et ils étaient à fond dans le hip hop. J’ai vraiment grandi avec cette musique. Ils avaient quatre ou cinq ans de plus que moi. Ils étaient aussi grapheurs. J’ai vite su que je voulais être DJ de par leur influence. J’ai vraiment commencé comme DJ avec ma platine à l’âge de treize ans et puis après j’ai rejoint un groupe avec deux DJs et deux MCs. Quand un des deux MCs est parti, les autres m’ont dit « Eh pourquoi tu n’essaierais pas, t’as une bonne voix ! » Je n’y avais jamais vraiment pensé et quand j’ai commencé…c’était vraiment nul (rires). Des rimes pitoyables. Au début tu n’es pas original, tu es dans l’imitation et puis un jour tu trouves ta voix. C’est à l’époque où j’étais au lycée que je me suis dit que je voulais faire ça. Après je suis allé à l’université mais pas dans le but d’une carrière professionnelle, juste dans le but de continuer à apprendre. Je savais déjà que je voulais être dans la musique mais je voulais être quelqu’un de meilleur. Le problème avec le système universitaire américain c’est qu’il est uniquement orienté vers le monde professionnel. Moi, j’avais pris tout un tas de cours (littérature africaine, philosophie, communication etc…) et je me rappelle que mon conseiller pédagogique était furieux contre moi. « Vers quel métier t’orientes-tu ? » me disait-il. Je n’étais là que pour apprendre alors que la fac n’était plutôt qu’un grand Salon des Métiers. J’ai quitté l’université un semestre avant d’être diplômé. A l’époque j’étais dans un crew qui était sur le point de se séparer et c’est à ce moment-là que je me suis dit : ‘si tu veux faire de la musique, tu dois t’en sortir tout seul.’ Avec le reste de ma bourse scolaire, j’ai commencé à me produire. Je ne savais pas nager mais c’est dans un océan que je me suis jeté, la tête la première. J’ai acheté du matériel, cherché à comprendre comment bien l’utiliser. J’ai fait mes premiers beats et je me suis dit ‘si tu veux vraiment être musicien c’est maintenant ou jamais’. J’ai rencontré Oktopus à la fac. C’est marrant parce qu’à ce moment-là, il y était, son manager y était aussi, pareil pour le chanteur-guitariste de All Natural Lemon and Lime Flavors.’ Nous nous sommes tous recontrés à la fac. C’est bizarre mais j’ai atterri là-bas comme si c’était pour rencontrer ces personnes. Oktopus avait déjà un studio et quand j’ai eu assez de beats je l’ai contacté. Il avait déjà entendu ce que j’avais fait avec d’autres groupes. Il a tout de suite pigé ce que je voulais faire. Nous avons commencé cette relation en échangeant beaucoup. C’est lui qui m’a fait découvrir My Bloody Valentine. Nous avions les mêmes idées sur ce que nous voulions faire. Nous avons commencé ce groupe pour ne pas être dans d’autres groupes (rires).

Tu as grandi dans un milieu hip hop. Comment t’es-tu retrouvé influencé par des groupes de rock ?
Ces influences me sont venues du hip hop. Les break beats viennent des albums de rock, untel sample ‘Smoke on the Water’, un autre groupe sample autre chose. La mentalité DJ c’est de creuser. Elle n’a que faire des genres. On m’a fait découvrir le jazz, la noise, des groupes comme Faust. Et au lieu de sampler du James Brown ou des albums de jazz, j’ai eu envie de creuser dans la noise, dans des trucs plus ‘sales’. Le gangsta rap de la Côte Ouest qui se ‘Funkadelisait’ n’avait aucune résonance à mes oreilles. Tout le contraire par exemple avec le ‘Velvet Underground and Nico’. Tu entends ce bruit. C’est sale, plein de grains de sable. Il y a de la violence et j’y trouve de la beauté. C’est ce que nous cherchons à faire. Notre musique peut paraître noisy mais si tu l’écoutes d’un peu plus près tu entends les mélodies, tu ressens la beauté qu’il y a dedans. C’est une question de perception.

J’ai l’impression qu’il n’existe pas beaucoup de formations à avoir votre esprit ‘crossover’.
Je ne sais pas…(dubitatif)…je ne sais pas. Peut-être que tu as raison.

Voulais-tu vraiment créer un son nouveau ?
Ce son…il nous plaît (rires). On ne rentre pas en studio en se demandant quelle est la chose la plus bizarre que nous allons pouvoir produire aujourd’hui. Il y a une osmose entre Oktopus et moi et il ne faut pas aller chercher plus loin.

Ecrire une chanson te demande-t-il beaucoup de temps ?
Je travaille constamment à partir de beats. Les beats, c’est ma passion. Je ne fais que ça pendant mon temps libre. Oktopus et moi rangeons nos idées, nos sons dans des dossiers et nous voyons comment nous pouvons les assembler, les arranger. Nous avons déjà un peu des esquisses de ce que nos prochains albums seront. Notre façon de composer, c’est un peu un processus de ‘va-et-vient’.

Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire les paroles de tes chansons ?
C’est tout bête…la vie en général. Juste la vie. Tu vois ces gens dans les parcs qui se dressent sur des ‘boîtes à savons’ ? Eh ben c’est moi…sauf qu’il y a de la musique derrière (rires). Je n’essaye pas de changer le monde. Je n’ai pas dans l’idée que mes textes vont faire que le président va modifier sa politique. Dans mes paroles, il n’y a pas vraiment de message. Il y a du contenu et c’est plus du côté de la poésie que je regarde. Ce qui m’importe le plus c’est le sens de mes mots. Le sens que toi tu en retires c’est ton problème. C’est ce que la musique et toute autre forme d’art devraient être. Peu importe le talent artistique. L’important c’est ce que toi tu vas en retirer. C’est pourquoi les artistes peuvent jouer partout dans le monde. Ce n’est pas forcément une question de langage. Parfois on me dit que mes paroles se perdent derrière le mix mais moi je pense que si ces personnes veulent vraiment savoir ce que je dis elles peuvent trouver. Mais si elles ne veulent pas, ça ne me pose pas de problème. Si notre musique t’émeut pour d’autres raisons alors c’est cool aussi.

Comment votre son va-t-il évoluer ?
Le prochain album sera très différent des trois derniers. Ce sera toujours du Dälek mais notre son va évoluer en effet sinon où est l’intérêt ? Trouver d’autres sons, nous remettre en question…ce sont vraiment les choses qui nous motivent.

Tu te vois comment dans quinze ans ?
Vieux (rires) !

Toujours à faire de la musique ?
J’espère. Tant qu’il y aura de l’air dans mes poumons alors je continuerai à faire de la musique. Peut-être que je ne ferai plus de scène mais je continuerai. Nous aimerions bien nous impliquer dans la B.O d’un film car nous avons toujours pensé que notre son serait vraiment intéressant mais nous n’avons toujours pas trouvé de réalisateur qui soit d’accord avec nous (rires).

Vous le trouverez.
On le trouvera (rires) ! Et puis il y a toujours mon label avec l’envie de continuer à sortir de bonnes choses comme le projet Dev-one. Je compte aussi sortir quelque chose avec un membre du groupe suisse Velma , groupe avec lequel on a déjà sorti un vinyle. Ca sonne comme du Flying Saucer Attack mais en plus mélodique avec guitare acoustique et chant. J’adore ses démos et j’aimerais bien les sortir. En tout cas ce ne sont pas les idées qui manquent…juste les finances.

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