BD. On l’avait découverte avec le très prometteur Spinning (récompensé aux Etats-Unis par un Eisner Award l’an dernier), qui revenait sur l’adolescence compliquée (et sa difficulté à avoir des relations normales avec les autres) de l’auteure : Tillie Walden est déjà de retour (à 22 ans, elle a déjà signé 3 livres, et pas des moindres) avec Dans un rayon de soleil, nouveau pavé de 544 pages dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Car si le genre abordé, la science-fiction (le récit suit les aventures d’une équipe de 5 filles chargée d’aller aux quatre coins de l’espace pour restaurer des édifices à l’architecture magnifique laissés à l’abandon, dans un futur indéterminé), étonne de prime abord, on se rend rapidement compte qu’au-delà des vaisseaux spatiaux ressemblant à des poissons, des jeux vidéos en 4D et des bâtiments qui dérivent seuls dans l’espace, ce qui intéresse Tillie Walden c’est bien une nouvelle fois ses personnages : ce qu’elles ressentent, à quoi elles aspirent, leurs failles, leurs blessures, leurs doutes, mais aussi leurs tentatives pour les surmonter. Elles ? Oui « elles » parce qu’il n’y a pas d’hommes ici. Dans un rayon de soleil est en effet un monde peuplé exclusivement de femmes, sans que l’on sache d’ailleurs pourquoi (mais c’est en tout cas révélateur de ce que Walden veut faire passer dans ses récits…). Ses personnages, ce sont surtout 5 filles qui forment une équipe et qui vont aider Alma à se remettre de sa peine de cœur (elle n’a pas pu dire au revoir à Grace, son amoureuse, quand celle-ci est partie, 5 ans auparavant, de leur pensionnat/lycée avec ses sœurs pour retourner dans une des zones les plus mortelles et les plus isolées de l’espace, l’Escalier) en l’aidant à retrouver Grace à l’autre bout de l’espace. 5 filles qui ont toutes connues des souffrances (l’une a perdu sa mère, l’autre a dû quitter les siens pour ne pas être tuée…) mais qui vont apprendre à se connaître et vont parvenir à se reconstruire (d’où le métier qu’elles exercent, belle métaphore…) en s’entre-aidant. Homosexualité, complexité des relations humaines, difficulté de s’assumer quand on est adolescent, blessures amoureuses, mal-être : si Tillie Walden ne parle plus ici d’elle (en tout cas directement…), ce sont pourtant bien les mêmes thèmes (auxquels on pourrait aussi ajouter la notion de genre sexuel, avec le personnage d’Elie) qu’elle développe ici. Elle le fait avec la même sensibilité narrative que dans Spinning, montrant plus qu’elle ne dit, prenant le temps de sonder, par petites touches, la psychologie de ses personnages. Et le même trait fragile (très influencé par le manga) rehaussé d’aplats de couleurs informatisées (plus variées cette fois), véritable reflet de ce que peuvent ressentir les protagonistes. Tout n’est pas parfait dans Dans un rayon de soleil, mais Walden parvient malgré tout, une nouvelle fois, à retenir l’attention avec son univers très singulier et ces personnages qu’elle sait indéniablement rendre attachants. Clairement une auteure à suivre !
(Récit complet, 544 pages – Gallimard)