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De PSYCHOTICS MONKS à AMYL AND THE SNIFFERS, on vous raconte LE CABARET VERT 2023

17, 18, 19 et 20 août, Charleville-Mézières

Le Cabaret Vert, est devenu le rendez-vous, chaque année à la mi-août, des fêtards et des amoureux de la musique. Avec ses spécificités : la possibilité d’aller rencontrer des auteurs et d’assister à des battles de dessin à l’espace BD avant d’aller voir des concerts. Et, pour les plus sérieux, participer à des conférences (les thématiques, cette année, tournaient autour du partage de l’eau, du numérique écoresponsable ou encore de la sobriété énergétique) ou encore aller voir des films (comme Soleil vert de Fleischer ou Silent Running de Trumbull ainsi que des documentaires comme Gimme Shelter) à l’Idéal. Un bon programme pour finir les vacances ! Avec une ambiance toujours bon enfant que l’on apprécie beaucoup. Et si c’est avant tout la programmation que les festivaliers regardent, les engagements que le festival prend pour sensibiliser le public aux grands enjeux actuels sont appréciables aussi. Car le Cabaret Vert, et son boss, Julien Sauvage, ont bien compris que si l’on veut faire évoluer les mentalités il faut commencer par montrer l’exemple. Surtout quand on accueille plus de 120 000 personnes sur 5 jours !  Voilà pourquoi le festival a initié son programme Decarb-on : après un diagnostic et des mesures visant à connaître son impact sur l’environnement, le Cabaret Vert a donc pris des résolutions pour devenir plus vertueux en matière écologique et réduire ses émissions de gaz à effets de serre. On ne va bien sûr pas toutes les citer mais mentionnons par exemple l’encouragement des festivaliers à venir en utilisant les transports en commun (le retour en train coûtait ainsi 1 euro symbolique),  la décision de ne plus imprimer programmes et autres flyers (des panneaux avec les horaires des concerts étaient disponibles à plusieurs endroits du site, informations également bien sûr disponibles aussi sur l’application du festival…) ou encore la disparition des gobelets en plastique (les festivaliers étaient encouragés à ramener leur propre gourde ou à utiliser un verre consigné…) sur les différents stands servant, gratuitement, on le rappelle car ce n’est pas si fréquent, de l’eau à volonté. Une riche idée par les temps caniculaires qui courent… Côté bouffe et boissons, ce n’est pas mal non plus avec la mise en avant d’une production locale et de qualité. On vous recommande, par exemple, pour ceux qui ne seraient pas végétariens, la saucisse de sanglier et la Bonsecours, une IPA locale bien sympathique !

Amyl and the Sniffers (F. Mayolet)

Et côté programmation, vous allez me dire ? Ça a commencé fort pour notre arrivée avec un jeudi excellent. On a bien sûr passé du temps du côté de l’espace BD, dont la nouvelle configuration est plutôt réussie. Du coup on manque le concert d’ Oi Boys sur la petite scène dédiée aux groupes indés, le Razorback. Mais on s’arrange pour être à l’heure pour ce qui était, pour nous, l’une des attractions de cette édition 2023 : Amyl and The Sniffers ! Programmé, carrément, sur la grande scène Zanzibar ! Certes le groupe a franchi les paliers ces derniers temps mais on était en droit de se demander si le main stage ne serait pas trop grand pour les australiens ! D’autant qu’en ce début de soirée (le groupe est chargé d’ouvrir les hostilités sur la grande scène à 18h40), le public est encore très clairsemé. La réponse est clairement non ! La scène n’est jamais assez grande pour sa chanteuse Amyl, qui court partout, fait la lionne à quatre pattes, montre les muscles, fait des pompes… Bref, elle est capable de tout, avec le sourire et dans son habituel tenue très légère : un haut de maillot de bain un peu court, un short bien échancré (qu’elle remonte régulièrement en plus…) et des grandes bottes en cuir. Pourtant, le set avait mal commencé (pour moi aussi d’ailleurs, un mec me versant la moitié de sa bière dans le dos…) avec un souci de câble pour le bassiste. Pas déstabilisé pour un sou (ils ont dû en voir d’autres…), le groupe continue malgré tout, on est punk ou on ne l’est pas, à jouer, sans basse, hilare, chambrant même le pauvre Gus, pendant presque 3 morceaux ! Si c’est Amyl qui fait le spectacle (les 3 musiciens sont bien plus sages), derrière ça tient la route et les bombinettes punk-rock bien énervées s’enchainent pour le plus grand plaisir du public, plus nombreux sur la fin du concert, qui aurait bien aimé un petit rappel, qui ne viendra malheureusement pas. Et on a compris, un peu plus tard, pourquoi. Car ce jeudi allait être la journée d’Amyl !

Bob Vylans (DR)

Juste après, sur la scène Illuminations, ce sont en effet les grime punks de Bob Vylans qui jouaient. On doit avouer être passés un peu par hasard mais on a été agréablement surpris. La formule duo des anglais surprend de prime abord puisque seul un batteur et un chanteur sont présents sur scène, riffs de guitare et de basse étant lancés via des pédales. Mais après quelques morceaux on rentre dans le set et cela marche plutôt bien, notamment grâce à l‘énergie du chanteur, qui a une vraie présence et qui n’hésite pas à expliquer de quoi parlent les morceaux. Car les paroles sont très engagées et critiques, le groupe s’en prenant à la police (l’un des morceaux sera dédié à Nahel, ce jeune homme tué lors d’une arrestation par la police fin juin), à la monarchie anglaise, aux fascistes de tous poils et même à Elvis Presley, à qui le groupe reproche d’avoir pillé la musique noire et d’avoir eu des relations avec de très jeunes filles… On est bien sûr beaucoup moins fan quand les titres prennent une coloration plus hip hop mais l’énergie et le côté critique du groupe nous ont plutôt convaincus. D’autant que 2 ou 3 morceaux avant la fin du set Amyl et son guitariste sont venus faire un petit coucou au duo anglais, qu’ils avaient en fait emmener avec eux en tournée l’an dernier aux Etats-Unis. L’australienne est même venue prendre le micro le temps d’un morceau pour permettre au chanteur de Bob Vylans de faire un peu de stage diving, ce qu’Amyl fit quelques minutes après aussi… Sympa. Un petit détour pour aller voir Turnstile et leur hardcore, sans grande originalité mais efficace (le public a répondu présent), sur la grande scène et il est temps d’aller voir les Sleaford Mods. Un duo que l’on était curieux de voir dans le cadre d’un grand festival…

Sleaford Mods (M. Tchakmakdjian)

Et le groupe a été fidèle à lui-même. Jason Williamson a besoin d’un ou deux morceaux pour entrer dans le set mais on le retrouve ensuite tel qu’on le connaît : exécutant ses petites chorégraphies drôles, ses mimiques très théâtrales et ses bruitages dont il a le secret. Andrew est, de son côté, toujours en mode teuffeur, s’empressant de danser dès qu’il a lancé un morceau sur son ordinateur portable. On était heureux de revoir le duo anglais mais on doit avouer avoir été un peu déçus par leur set. Premièrement parce que leur musique minimaliste s’apprécie mieux dans de petites salles et puis parce que le virage très électro pris par le groupe depuis leur dernier album ne nous emballe guère. Et comme le groupe n’avait que 45 minutes pour s’exprimer, on n’a quasiment eu droit qu’à de nouveaux morceaux… Heureusement le groupe nous avait réservé une nouvelle surprise. Mais oui : le retour d’Amyl ! Qui, si vous en vous souvenez, avait collaboré avec Sleaford Mods sur un morceau, Nudge It, de leur album Spare Ribs. Du coup, elle n’a pas manqué l’occasion de passer pour pousser la chansonnette avec Jason sur scène. Cela danse beaucoup dans le public mais les fans de la première heure sont probablement restés sur leur faim, attendant en vain des titres comme Shortcummings ou BHS

L’espace BD avec Le Roux et Guerineau (DR)

Le lendemain, on a rendez-vous avec un auteur de BD, Wouzit, qui vient de sortir Le grand rouge chez Dupuis, l’un de nos coups de cœur de cette rentrée, dans un café de la très jolie Place Ducale pour faire une interview que vous pourrez bientôt lire sur le site. Un moment très sympa, tant l’homme est gentil et intéressant (ça, c’est du teasing !). On mange ensuite un petit kebab et direction le Cabaret Vert ! On fait un tour, pour commencer, du côté de l’espace BD qui proposait un bien joli plateau cette année. Étaient notamment présents les valeurs sures Étienne Le Roux (auteur notamment de Les Frères Rubinstein et qui va sortir le premier tome d’une nouvelle série, fin août, Liberté !, chez Delcourt, dont on a parlé avec lui), Régis Loisel et Olivier Pont pour Un Putain de salopard, Alary (qui nous a confié que le second tome de Gone with the wind sortirait début 2025), Christian Durieux (Le soir, Pacific Palace) ou encore Guérineau (Charly 9, Entrez dans la danse). Quelques pépites de la nouvelle génération, avec Thomas Gilbert (La voix des bêtes, la faim des hommes) ou Torregrossa (1984). Et, en guest star, l’anglais Charlie Adlard, vedette du comics (c’est lui qui a dessiné la série Walking Dead) venu présenter, en avant-première, son nouveau récit scénarisé par Erik Hanna, Altamont. On va à l’Estaminet, ce nouveau lieu de rencontres (notamment avec des artistes ou des auteurs) plus intimiste créé par le Cabaret. On y aperçoit des couples, pas très bien assortis mais morts de rire, qui viennent juste de se marier (le Cabaret Vert proposait de faire des mariages flash avec durée et partenaire variables…) et on y regarde quelques spectacles. On manque, du coup, Terne programmé très tôt. On teste la Chimay doré…Avant de devoir faire un choix cornélien : Viagra Boys ou Gilla Band, les deux groupes ayant malheureusement été programmés pile au même moment ! On se décide pour Viagra Boys et on ne le regrette pas. Le post-punk dansant des suédois fonctionne bien sur scène, notamment grâce à ses synthés parfois surprenants et à son chanteur, qui se pointe torse nu pour que l’on puisse apprécier tous ses tatouages et pour pouvoir parfois se caresser le bide face au public médusé. Un grand moment. Que l’on a failli ne pas voir… Le chanteur explique en effet que plusieurs membres du groupe ont été malades ces derniers jours (ce qui les a contraints à annuler leur concert à La Route du rock la veille d’ailleurs…) et qu’ils ont pris la décision de jouer au dernier moment… Le saxophoniste/guitariste nous a aussi bien fait rigoler : rapidement torse nu, juste vêtu d’un petit short, qu’il remontait d’ailleurs régulièrement à la façon d’Amyl des Sniffers, le musicien n’a pas arrêté de minauder du concert. Dommage que les Sleaford Boys ne jouaient pas le même jour : Jason aurait pu rejoindre les Viagra Boys pour chanter Big Boy ! Le set s’arrête un peu tôt et de façon bizarre, la moitié du groupe pensant avoir encore 1 ou 2 morceaux à jouer tandis que les autres quittent la scène, probablement pas totalement remis…

Lambrini Girls (Bartholet)

Les deux derniers jours, Lambrini Girls était aussi programmé, pour un set 100% riot grrrls au Razorback ! Boosté par la rage (les nanas ont quand même fait reprendre en chœur des “Fuck the Brits” par le public), le groupe, emmené par sa chanteuse-guitariste survoltée, a livré une prestation hyper énergique et rafraichissante. Côté musique, c’est simple et basique, 2-3 accords pas plus mais c’est joué avec une sincérité et une fougue qui font plaisir à voir ! Dès le deuxième morceau Phoebe était dans la fosse avec le public, se faisant aider pour tenir son micro afin de pouvoir continuer à chanter. Avant, quelques minutes plus tard, d’escalader une structure sur le côté de la scène pour prendre un peu de hauteur ! Avant Help Me, I’m Gay le groupe demande qui, dans le public, est une “légende gay”… Logique que les filles prennent parti pour la cause LGBTQ+ puisqu’elles viennent de Brighton, ville connue pour être un bastion de défense de cette communauté. Elles en remettront d’ailleurs une couche un peu plus tard quand elles parleront des “terfs” (c’est comme cela que l’on appelle les transphobes de l’autre côté de la Manche) en expliquant que JK Rowling (l’autrice de Harry Potter), notamment, est une terf, avant de demander au public de reprendre en chœur : “Fuck terfs” ! La masculinité toxique en prend aussi pour son grade dans Boys In the Band. Bref, un concert comme on les aime. Toujours au Razorback, décidément l’endroit idéal, avec cette petite scène, intimiste, pour découvrir de nouveaux groupes, ce sont d’autres anglais qui étaient programmés : Kennyhoopla. Le trio n’invente certes rien car son pop-punk n’est pas vraiment original mais il faut avouer que c’est bien fichu. On a beau ne plus vraiment écouter ce genre de musique, on se laisse ainsi facilement convaincre par ce trio anglais alternant morceaux mélodiques et sensibles à la Samiam et titres plus pêchus et punk. D’autant que le groupe dégage quelque chose de sympa sur scène. Aux côtés de la guitariste, qui fait toute timide de prime abord mais porte carrément le groupe (en plus de la guitare, c’est elle qui gère les riffs de basse à lancer sur certains morceaux car il n’y a pas de bassiste sur scène), le chanteur a une belle présence, toute en énergie et en simplicité. Puis on est allés constater ensuite que Dropkick Murphys n’est toujours pas revenu au punk celtique (allez, à part sur 1 ou 2 morceaux) qu’il jouait il y a maintenant assez longtemps…

Kennyhoopla (S. Carrard)

Le dimanche matin, on se lève tôt pour aller au magnifique musée Guerre et Paix de Novion-Porcien, un petit village situé à une trentaine de kilomètres de Charleville-Mézières, où était organisé, par la branche BD du festival, une visite guidée des collections (riches et passionnantes, elles couvrent la guerre de 1870 ainsi que les deux guerres mondiales) ponctuée d’interventions d’Etienne Le Roux, Emile Bravo, Pierre Fouillet et Yann Le Gat autour de leur travail sur les séries qu’ils ont réalisées (dans l’ordre, 14-18, Spirou, Allons Z’enfants) en lien avec la guerre, gros temps fort de l’exposition de planches et de dessins originaux issus de ces séries qui a débuté le 1er juillet et se poursuivra jusqu’au 31 décembre. Un moment très apprécié par les courageux qui avaient fait le déplacement, dont certains auteurs, comme Loisel ou Willem, venus en passionnés d’histoire ! Une animation qui marque en tout cas la volonté du Cabaret Vert de mettre en avant, davantage encore, la BD au festival. D’autant que le Cabaret a décerné, pour la première fois cette année, en collaboration avec le conseil départemental et les services de l’Education nationale des Ardennes, un prix à la meilleure BD traitant de sujets liés au développement durable. Ce sont d’ailleurs Jedda (paru chez Jungle) de Fernandez et Migaldi dans la catégorie livre jeunesse et Zoc (chez Dargaud) de Khoo dans la catégorie adulte qui ont remporté cette récompense.

Kid Kapichi (S. Carrard)

L’après-midi, on manquera Death Valley Girls, dont le garage psyché ne nous avait de toutes façons pas laissés un souvenir impérissable sur disque, tout en étant au rendez-vous de Kid Kapichi, encore un groupe British ! Dans la grande tradition du post-punk anglais, alliant dérision et colère, quelque part entre Yard Act et Life. Et les anglais savent y faire pour mettre le public dans leur poche ! Dire à des français qu’ils ont honte, en tant qu’anglais, de vivre dans leur pays et de leur gouvernement avant d’enchainer avec des “Fuck Brexit” et “Fuck England”, il n’en fallait pas plus… Boris Johnson sera aussi de la fête (“Fuck Boris Johnson”), le groupe allant jusqu’à lui dédier une chanson, petite ballade acoustique pleine d’ironie… 2 ou 3 morceaux sont un ton en dessous mais Kid Kapichi convainc, notamment quand il livre ce qui semble être l’un de ses tubes, Rob The Supermarket. Un groupe à suivre ! On termine le festival par l’un des meilleurs concerts de cette édition 2023, celui des parisiens de Psychotic Monks (photo en tête d’article). Ceux qui n’ont pas écouté leur dernier album (Pink Colour Surgery, paru sur Vicious Circle en février dernier) ont dû être totalement dérouté… Car à l’image du début du concert (de bons gros beats basiques sur lesquels le bassiste chante “I Wanna dance”, ce que font d’ailleurs les membres du groupe encore resté dans la pénombre), Psychotic Monks a pris un virage musical important, incorporant beaucoup d’électronique dans sa musique pour le transformer en une sorte d’électro post-punk expérimental. Les structures des morceaux sont plus complexes, incorporant souvent plusieurs mouvements ; les guitares sont présentes, bruitistes et parfois dissonantes ; la basse imposante. Une musique encore plus personnelle et libre qu’auparavant, torturée aussi, qui semble permettre à chacun d’exprimer ce qu’il a vraiment au fond de lui (d’ailleurs chaque musicien aura son moment fort, prenant alors le chant en charge). Pas facile d’accès mais très intense, surtout en concert. A l’image de Décors, l’un des moments forts du set, hanté par une trompette inspirée très free. Le genre de concert qui vous laisse groggy à la fin. Une conclusion idéale !

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