BD. Les éditions Daniel Maghen ont créé une nouvelle collection, des adaptations en bandes dessinées de grands textes littéraires, pour accueillir L’Enfer de Dante revu et revisité par Gaëtan et Paul Brizzi en 2022. Il fallait bien ça tant l’adaptation des 2 frères était flamboyante : narrativement pleine de justesse et visuellement magnifique. Du coup, cela a forcément poussé Paul et Gaëtan (tous deux travaillent au scénario, puis Paul se charge des personnages et Gaëtan des décors) à récidiver. Cette fois, ils ont repris les crayons (graphite majoritairement et de couleurs, ici ou là, on y reviendra…) pour se frotter à un autre roman mythique : le Don Quichotte de la Manche de Cervantès. Dont ils donnent une version truculente, respectueuse du texte et des visées de l’auteur (la farce et l’ironie, dramatique car souvent aux dépens de son héros Don Quijano), tout en l’éclairant d’une lumière nouvelle (en proposant un récit moins cruel avec le vieil homme qui, s’il rêve de notoriété et de légende grâce à des actes de bravoure qu’il va accomplir, veut avant tout faire le bien : défendre la veuve et l’orphelin, combattre les injustices…). Un choix judicieux qui met donc en scène les duels, vains et perdus d’avance de ce vieil homme faible qui se ridiculise plus souvent qu’à son tour (la scène de combat contre les moulins est absolument géniale), tout en montrant le côté poétique de la quête de Don Quichotte qui cherche, peut-être, avant tout à échapper à une fin de vie morne et ennuyeuse…Voilà pourquoi les 2 frères suivent parfois la « vision » du vieil homme, en laissant son imaginaire prendre momentanément le pas (la couleur, dans des tons oranges, fait alors son apparition) sur le réel. Ils ne « loupent » pas non plus ceux (pour la plupart des nantis) qui se moquent, voire profitent de la naïveté de Don Quichotte pour se divertir à ses dépens…
Une adaptation intelligente qui nous fait (re)découvrir ce texte célèbre avec talent, notamment graphique, le travail des 2 frères s’avérant une nouvelle fois somptueux. Leur trait brut, au crayon graphite la plupart du temps, qui penche ici souvent du côté de la caricature (Don Quichotte est bien décati, Sancho Panza a un embonpoint vraiment prononcé), est d’une précision technique redoutable et, en même temps, d’une expressivité folle, pleine de vie. Autant dire que l’on attend leur prochaine adaptation (De quel texte ? Les paris sont ouverts…) avec grande impatience !
(Récit complet, 200 pages – Editions Daniel Maghen)