BD. Lyon, 1957. Elève de terminale au lycée Quinet, Elise allait voir sa vie changer grâce à sa prof de philo. Et à ses cours sur la colonisation, l’esclavage, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la lutte des classes ou la révolution –des sujets qui n’étaient jamais abordés à la maison- qui la passionnaient et allaient stimuler sa prise de conscience politique. En pleine guerre d’Algérie, Elise se met bientôt à apprendre l’arabe (ce que lui interdira rapidement son père…), à distribuer des tracts du parti communiste avec sa copine Yvette et à manifester contre l’arrivée de De gaulle au pouvoir. Et dès son bac en poche elle “monte” à Paris, officiellement pour étudier les langues et l’interprétariat mais secrètement pour suivre des cours de théâtre. Et bientôt militer…Notamment au sein de La gauche Prolétarienne, une organisation maoïste…
Les connaisseurs de l’œuvre du couple Grange/Tardi comprendront, quasiment dès les premières pages, qu’Elise est l’alter ego autofictionnelle de Dominique Grange. Car les faits relatés ici sont vrais. Pourquoi avoir changé son prénom alors, me direz-vous ? Car Elise et les nouveaux partisans ne se veut pas une autobiographie. L’objectif ici est plutôt de relater cette période d’effervescence révolutionnaire que la France a connu, en gros entre 65 et 75 et le parcours politique d’Elise et des autres partisans. Distribution de tracts, d’exemplaires de La cause du Peuple (le journal des maoïstes que Jean-Paul Sartre soutint en en reprenant, provisoirement, la direction après que son directeur, Le Dantec, ait été arrêté), concerts pour soutenir les grèves, organisation de manifs et même “établissement” dans les usines pour contribuer à faire jaillir l’étincelle prolétarienne : cette génération assoiffée de justice sociale et antifasciste était de tous les fronts, souvent confrontée à la violence des “cognes”, pour dénoncer les inégalités sociales, les cadences infernales dans les usines, les licenciements abusifs, les crimes racistes, les brutalités policières ou encore les conditions de vie indignes des travailleurs immigrés. Une période de lutte que Tardi fait ici revivre de son trait direct et sans fioritures habituel simplement rehaussé d’aplats de noir et de diverses nuances de gris. Avec réalisme et précision, le dessinateur ayant, comme à l’accoutumée, réalisé un gros travail de documentation en amont pour que sa reconstitution soit la plus plausible possible. Et effectivement quand les CRS chargent, que ce soit les algériens venus au centre de Paris manifester le 17 octobre 1961 en pleine guerre d’indépendance (on estime à environ 300 le nombre des victimes de la police de Papon…) ou les manifestants soixante-huitards descendus à La Bastille pour montrer leur opposition à De gaulle le 24 mai 68, on sent presque les coups de matraque sur les bras et la tête ou la lacrymo commencer à nous brûler les yeux et la gorge…
Un récit peut-être un peu bavard mais qui a le mérite de rappeler les combats passés tout en appelant de ses vœux à continuer la lutte car il reste beaucoup de travail…Un livre qui ravira aussi les fans de Dominique Grange puisqu’il éclaire la jeunesse de la chanteuse engagée !
(Récit complet, 176 pages – Casterman)