BD. Ludovic Debeurme est l’un des auteurs les plus originaux de la bande dessinée actuelle. Ce n’est pas pour rien qu’on l’avait interviewé il y a quelques années (l’entretien est d’ailleurs encore disponible sur le site…) ! Et si son nouveau récit (la première partie d’une trilogie, en fait) s’inscrit pour la première fois dans des cases (souvent à l’intérieur de gaufriers de 6 carrés) et que Debeurme l’a, pour une fois (même si c’était déjà le cas pour son précédent livre, Trois fils, paru chez Cornélius), mis en couleurs (avec des aplats), on y retrouve les thèmes privilégiés de son auteur et cet univers étrange et singulier, si personnel, que l’on apprécie. Mais jugez-en plutôt : le principal protagoniste (barbu et musicien, comme l’auteur…), après avoir ressenti l’angoisse de devenir père, décide finalement d’adopter l’une de ces petites créatures, des enfants-faunes, sortis de la Terre suite au gigantesque tsunami qui a inondé de nombreux territoires et dans lequel sa femme a péri. Des “mixbodies”, croisements entre humains et animaux, qui vont rapidement être ostracisés par le reste de la population, à cause de leur différence, de ce côté animal imprévisible qui leur fait peur et qui vont bientôt s’organiser et se rebeller…
Paternité, différence, monstruosité/normalité, intolérance et racisme mais aussi écologie (le tsunami et les mixbodies sont en fait un message d’avertissement envoyé par notre planète que l’on malmène…) : comme à son habitude, avec Epiphania, Debeurme met en scène ses questionnements personnels, ses propres angoisses. Simplement, avec cette trilogie, il le fait de façon plus “cadrée” que d’habitude. Sans renier sa personnalité, vous l’avez compris. Avec notamment un choix fort : ces couleurs très vives et joyeuses qui contrastent totalement avec le propos très sombre du récit. Très recommandé !
(Trilogie – Casterman)