Sous ses airs d’employé modèle qui n’est jamais en retard et reste travailler tard le soir et de bon père de famille (il envoie des cadeaux à sa petite fille quand il doit rester à Tokyo finir un dossier le week-end), Satoshi a en fait une liaison secrète avec sa collègue Mayumi, qu’il voit certains soirs dans un love hotel. Et il semblerait qu’il ait même une liaison avec une autre jeune femme. C’est en tout cas ce qu’a découvert la meilleure amie de Mayumi qui l’a suivi un soir…
« Face cachée » vient de recevoir un prix d’excellence au 4ème Manga Award du Japon. Probablement parce que le jury a été sensible à son esthétique très réussie -un trait fin et élégant rehaussé de lavis de gris et de noirs ainsi que de pointillés photoshop- et à son découpage très cinématographique. Mais certainement aussi, et surtout, parce que « Face cachée » parvient à brosser un portrait saisissant de vérité, cru et violent, du pays du manga !
A la façon d’un anthropologue, Sylvain Runberg a d’abord minutieusement décrit le quotidien des salarymen japonais -les files d’attente disciplinées pour prendre une rame de métro, les très longues journées passées au bureau pour montrer son investissement, les soirées beuverie ou karaoké à l’invitation appuyée (il vaut mieux ne pas refuser si l’on veut faire carrière) du chef, l’autoritarisme (qui frise la tyrannie) de la hiérarchie, les vacheries et coups bas des collègues- avant que l’intrigue à tiroirs de son récit (qui, comme son titre l’indique, réserve quelques surprises du genre bluffantes) ne nous fasse pénétrer dans les coulisses de cette société en apparence parfaite pour nous dévoiler sa face cachée.
Et l’envers du décor se révèle particulièrement sordide et terrifiant. Car derrière les sourires mensongers, les costumes impeccables et la moralité de façade, on trouve des névroses en tous genres engendrées par la pression d’une société nippone impitoyable et intransigeante avec ceux qui ne réussissent pas (à avoir des promotions au travail, à se marier et fonder une famille, à mener une vie respectable…) ou se montrent faibles. Le constat est accablant, pourtant Runberg et Martin ne forcent pas vraiment le trait : le Japon n’a-t-il pas l’un des taux de suicide les plus élevés au monde ?
Aussi brillant que glaçant, « Face cachée » est un roman graphique à ne pas manquer !
(BD – Futuropolis)