Hambourg, Pooca Bar, 4 mars
Pour moi, tout commence à Hambourg, Sankt Pauli. Le retour. Petit tour du quartier de jour, repérage du lieu. Pose bière dans un bar un peu à l’anglaise où d’ailleurs, quelques Cockneys y chantaient à tue-tête du Oasis. Et allez, deux Astra, bière hambourgeoise, et direction la mer ! Et rien qu’à une discrète odeur et à un repère topographique similaire à une rue de Sydney, s’il vous plait.
Revenons sur nos pas. Arrivée au Pooca Bar, cette fois, à l’intérieur. Organisation Hobo Babylon, qui nous accueille. Et puis Pat de son « hey frenchies !!! ». J’examine la scène, petite déformation…un réflexe. Cela me paraît très exigu. Fred ne jouera pas sur son Pro2. Pas assez de place. Je me dis alors que cela sera une sorte de retour aux débuts de Frustration, la proximité. Peu à peu, la salle se remplie pour atteindre son seuil, comble. Ambiance enfumée et joviale.
Le concert démarre avec Yay Nay, duo guitare/batterie basé à Berlin et fondé en 2015. A ce jour, ils ont sorti une démo K7 4 titres. Le set commence sur les chapeaux de roues. Un déroulé de morceaux n’excédant guère les deux minutes et enchaînés façon Ramones. Ce qui rendra à force, le set un peu monolithique. Mais l’énergie est bien là. Des flash proto punk en mode néo. J’aime bien. Mon affection pour les duos. L’espace sonore est certes minimal mais les fréquences bien occupées. Une énergie brute et directe. Minimal, élégant.
Allez, on se place tout devant pour Frustration. Effectivement, ils arrivent dans une configuration scénique au millimètre ! Fred entonne les premières notes, « Worries ». Tension, son compact, public absorbé. Les jalons sont posés pour un concert qui ne va faire que monter en puissance, autour d’un set équilibré entre les classiques et pas mal de nouveaux. Dont certains encore jamais entendus. Frustration ne donne pas dans la facilité. Suivront No Premises, Midlife Crisis, Minimal Wife et un Excess bien énervé. Pat est à bloc. On se calme, arrive « Autour de toi », en français, titre du dernier 45 tours. Première fois pour moi en live. C’est très réussi. Cette chanson me bouleverse au même titre que « Miss you ». La tension monte, le public bouge de plus en plus. « Empires of Shame », nouveau morceau entendu (pour moi) à Ivry, nous plaque littéralement. Ligne de synthé bendée, aérienne, un chant puissant et martial, choeurs sombres. Lumineux dans sa noirceur. Et puis déboule « Assassination » déclenchant la mobilisation générale d’un groupe de jeunes garçons déchainés qui ne cesseront dès lors de danser frénétiquement. Et d’exprimer leur ferveur. Suivra un Angle Grinder radical. Le « dreams, laws, rights and duties » d’un « Duties » rageur viendra suspendre le concert. Rappel massif. C’est reparti avec un « Mother earth in rags » tout en tension. Une ascension jalonnée d’incursions chaotiques de guitare. Parfait pour enchainer sur « Insane » (nouveau, jamais entendu). Martial, définitif, « welcome in paradise »…Nous finirons sur Blind et Your Body. Le public en redemande ! Ca hurle « Two Many Questions », les Frustration ont cessé de le jouer depuis quelques temps. Mon for intérieur me souffle « On the Rise », le garçon à côté de moi me confie la même à l’oreille, me suggérant de leur demander. Malheureusement, je suis incapable de faire ça. Je préfère être surprise. Et nos Frustration de conclure avec Holocaust, leur reprise de Crisis. Bien vu.
photos : Jean-Yves Lamenace

Allez, c’est reparti. Pour moi, ce n’était pas prévu, mais j’apprécie l’imprévisible. Rencontre avec la DB, même foutoir que le rail anglais ! La ponctualité allemande est un mythe ! Après une bonne pho vietnamienne, direction le bunkermuzik. Du dehors, la bâtisse est saisissante, massive. Elle a servi de refuge aux populations pendant les frappes aériennes de la guerre 39-45.
Nous arrivons pendant les balances de Master Master Wait. Déjà, je me dis que cela va être un grade au-dessus de Hambourg. Un vrai ingé qui sait gérer des synthés. Son ample et massif. Encore une fois, la balance terminée, j’éprouve le besoin d’examiner la scène et de me rendre compte qu’il y a la station Campo installée hors scène, à part. Je vois aussi, à ma grande joie, que le Pro2 est là ! Le petit nouveau. Je sais déjà qu’aujourd’hui sera différent d’hier.
Nous commencerons donc avec Master Master Wait. Duo parisien formé aux environs de 2013. N’ayant jamais réussi à les voir jusque là, il aura bien fallu venir jusqu’à Aachen. Et bien la frau ne va pas être déçue ! Même si je suis d’ordinaire réfractaire aux rythmiques dites dansantes, Master Master Wait m’a convaincue graduellement. Libérée ? Oui, ici, nous sommes bien loin du boom boom bas du front. Ce duo est radical dans sa démarche, jusque boutiste même. Assumés. Un investissement total. Le public leur rend bien. Ils sont généreux. Un set parfait et ludique.
Au tour de Frustration. La veille a été chargée, mais ils sont bien là. Lamenace me confie que Fabrice a mal aux cordes vocales. Cela sera perceptible par moments, mais me renverra plus à quelque chose de touchant. Et bien, nous commençons comme la veille par « Worries », mais comment dire, cela ne m’évoque pas la même qu’à Hambourg. Ici, la fatigue aidant sans doute, on puise dans ses ressources, et le set s’annonce direct ! Rythmiques soutenues et solides. Le son ample et bien fort. Le panzer est lancé ! Il y a de la rage dans l’air. La station Campo y est pour beaucoup aussi, donnant lieu à de fervents échanges, à distance mais si proches. Midlife Crisis, « and a pain in my ass !». Le public est bien différent de la veille aussi. Ce sont les filles qui occupent le devant de la scène. Beaucoup de respect de la gente masculine allemande et sans sexisme, j’insiste. C’était le cas la veille aussi. Je me dis alors que je retrouve tout ce que j’aimais d’un autre temps en France… Ici, pas de débiles qui te labourent les pieds en mode « y a que moi qui existe » ou qui ne tient pas sa bière. J’en parle car ça me fait du bien. « No trouble » sera le déclencheur ici, à Aachen. Comme la veille, une interprétation inédite. Note persistante de Fred au sortir de « Miss you », lentement, lentement, et à Mark de nous remettre dans le tempo. Surprenant et efficace. Le set se suspendra comme la veille par « Duties ». Nous aurons un seul rappel. Mais cette fois, nous aurons droit à Drawback, morceau nouveau, jamais entendu. Le Pro2 fait son entrée.Le morceau commence sur la basse de Pat aux allures très punk, ritournelles synthétiques dissonantes, ce morceau est ludique. Cela me renvoie au early Frustration. Une comète de deux minutes.
Voilà point de faiblesse, même si Fabrice trouvera le refuge salvateur du mur auquel s’adosser, la tension était bien là. Pat et Fred nous aurons ravis dans leur communion le temps d’un morceau. Il n’y aura pas de second rappel, au regret de ces derniers. Mais ce fut un concert d’enfer que j’aurais préféré en tant que public au précédent.
Merci à Alen et ses ami(e)s.