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GEMMA BOVERY Simmonds

gemmaComme les éditeurs le font souvent, Denoël a profité de l’adaptation au cinéma de « Gemma Bovery » par Anne Fontaine pour ressortir le premier roman graphique de l’anglaise Posy Simmonds, aussi connue pour sa seconde œuvre, « Tamara Drew », également transposée à l’écran par Stephen Frears en 2010. Et on ne peut que s’en réjouir ! D’abord parce que cette nouvelle édition bénéficie de quelques bonus (une préface de la réalisatrice du film ainsi qu’un cahier comprenant recherches graphiques, notes et esquisses) bien sympathiques et parce que cela nous donne l’occasion de dire tout le bien que l’on pense de cet excellent roman.
Un récit aussi original dans le fond que dans la forme, complètement hybride. Le terme de roman graphique lui convient d’ailleurs parfaitement puisque Simmonds laisse ici une place bien plus importante aux textes en proposant des parties narratives beaucoup plus longues que ce à quoi on est habitués en bd. Ces longs paragraphes ou lettres entières (on découvre en fait ce qui s’est passé au travers du journal intime de Gemma) sont accompagnés de dessins également signés Simmonds (moins tendre qu’il n’y paraît avec ses personnages malgré la délicatesse de son trait de crayon, l’auteur ne manquant jamais de souligner, dans leurs regards ou mimiques, leurs travers –jalousie, méchanceté, bassesses, vengeance…) qui les illustrent parfois mais le plus souvent dialoguent avec eux, introduisant, ici, une distance ironique ou ajoutant, là, un détail humoristique.
Un rapport texte/image différent mais très complice et idéal pour cette relecture (vous l’aviez peut-être compris avec le titre) du « Madame Bovary » de Flaubert. Car quand Raymond Joubert, le boulanger de Bailleville (un nom de ville qui annonce l’ennui à venir de Gemma…), voit Gemma débarquer d’Angleterre avec son mari Charlie, il se met en tête (après avoir étudié le profil du couple et constaté l’ennui que Gemma ressent après plusieurs mois passés dans sa vieille maison normande) que Gemma va bientôt tromper son mari (ce qu’elle fait effectivement) et connaître la même fin tragique que l’héroïne de Flaubert. Ce qui lui donne, du coup, un bon prétexte pour l’épier afin d’essayer de lui éviter ce triste sort…
Si Gemma donne une bonne excuse à Joubert pour laisser libre court à ses penchants voyeuristes, elle permet aussi à Posy Simmonds de livrer une étude de mœurs aussi juste que jubilatoire : anglaise francophile, l’auteur brosse un portrait croisé très ressemblant de ses compatriotes en goguette en France et des français qui regardent ces envahisseurs modernes arriver avec une curiosité pas toujours bienveillante. Et dans ce véritable mini-théâtre de la vie qu’est « Gemma Bovery », elle excelle surtout à mettre en exergue les sentiments qui animent vraiment les Hommes derrière leur apparente amabilité et courtoisie : le désir, la jalousie, la frustration ou l’aigreur. Une relecture particulièrement réussie (et tout aussi sombre et amère), en même temps qu’un bel hommage, de ce classique de la littérature française !

(Roman graphique – Denoël)

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