BD. Un formidable essai en bande dessinée: voilà ce qu’est Hypercapitalisme. Tim Gasser est professeur d’université et il nous offre ici un cours d’économie passionnant dans lequel il revient sur la naissance du capitalisme, son évolution complètement folle et débridée qui le mènera jusqu’à l’hypercapitalisme, tout en proposant des idées pour changer tout cela !
En 1979, le salaire d’un pdg était 30 fois plus important que celui d’un ouvrier. En 2013, il l’était 296 fois plus…Le taux horaire minimum n’a cessé de baisser aux USA depuis 1980 et l’élection de Reagan. Les américaines, quand elles accouchent, ont droit à un congé de 12 semaines…sans solde pour s’occuper de leur bébé ! Comment en est-on arrivés là ? Pourquoi les gouvernements ont-ils accepté cela ? Les 2 auteurs l’expliquent ici, de façon magistrale: organisée, claire et le tout illustré par des exemples concrets à chaque fois. En passant en revue les méthodes des entreprises capitalistes (c’est-à-dire la plupart…) – publicité agressive, lobbying intense auprès des gouvernants, mise en concurrence des salariés- Hypercapitalisme commence par montrer comment ce système économique a réussi à s’imposer dans les esprits comme le seul modèle valable et comment il s’est débrouillé pour que les plus hauts responsables assurent son expansion en mettant en place protectionnisme, libre échange, FMI, déréglementations ou privatisations. Avant de mettre en lumière les valeurs qui sous-tendent le capitalisme: concurrence acharnée, profits, loi du plus fort ainsi que les conséquences qu’il engendre pour l’environnement (monocultures presque partout, emploi de pesticides pour améliorer la productivité..), l’alimentation et le bien-être des populations (dont il se fiche bien entendu totalement…).
Un exposé forcément sombre que les auteurs s’empressent de compléter par une dernière partie bien plus optimiste et réjouissante puisqu’elle aborde les solutions pour combattre l’hypercapitalisme. Du boycott pur et simple au buycott (ou achat réfléchi, c’est-à-dire faire attention à ce que l’on achète: privilégier le bio, le commerce équitable, le commerce de proximité) en passant par la “simplicité volontaire” (héritée de Thoreau) ou le partage des possessions (banque de temps, monnaies alternatives, habitat partagé), les auteurs passent en revue tout ce que l’on peut faire à un niveau individuel pour changer les choses. Mais n’oublient pas de faire aussi des propositions aux gouvernements pour qu’ils puissent échapper à la domination des entreprises: taxer la publicité au lieu de la défiscaliser, arrêter d’utiliser le PIB pour rendre compte de la richesse d’un pays pour davantage mettre en avant d’autres valeurs que l’argent: santé, qualité de l’éducation des enfants, degré de liberté des citoyens, intégrité des hommes politiques…bref tout ce qui fait le bien-être d’une nation.
Rigueur, clarté, conviction: la démonstration que déroulent les auteurs est imparable, Larry Gonick faisant preuve de beaucoup d’inventivité (et il en fallait car mettre en image des concepts économiques ou des valeurs est un véritable défi) pour rendre l’ensemble fluide, vivant et agréable. Cela donne un livre véritablement édifiant, qui donne à voir toute l’étendue du problème capitaliste tout en prouvant que si chacun s’y met, à l’instar des lanceurs d’alerte ou du mouvement Occupy, on peut changer ce système. Totalement indispensable !
(Récit complet, 240 pages – Seuil/Delcourt)