Dijon, vyv festival, 12 juin 2022
La programmation dominicale du vyv festival de Dijon avait de quoi donner envie avec sa forte coloration post-punk ! Après s’être garé dans le centre-ville on prend un bus qui fait la navette vers le parc de la Combe à la Serpent, un très beau site naturel, au calme, à seulement quelques kilomètres de la capitale bourguignonne. L’endroit idéal (il y a beaucoup d’espace, des arbres un peu partout) pour y organiser un festival en plein air. C’est Shame qui a l’honneur d’ouvrir les débats sur la grande scène, la scène de la Combe. Il est encore un peu tôt (17 heures) mais il y a déjà un peu de monde pour voir les anglais. C’est la première fois que je les vois en live et quand leur chanteur, Charlie Steen, se pointe avec ses lunettes de soleil sortis d’un film de science-fiction je me dis qu’on va passer un bon moment. Le groupe s’emploie à jouer ses morceaux les plus enlevés pour chauffer tout le monde. Et ça fonctionne. Notamment parce que leur frontman est du genre joueur et cherche régulièrement à entrer en contact avec le public, lançant même un « Fuck you » à un homme dans le public qui le chambre sur son accent (bien prononcé du sud de Londres…). Et comme à ses côtés, le bassiste, sautant dans tous les sens, ne tient pas en place, Shame n’a pas de difficultés à mettre le public dans sa poche. Dans une veine post-punk assez proche de Life, le groupe alterne habilement morceaux indie-rock et punk-rock. Bon concert, idéal pour ouvrir les hostilités même si une énorme averse et le vent viennent quelque peu doucher notre enthousiasme sur la fin du set, empêchant même le groupe de jouer son dernier morceau. Pas de quoi priver les anglais de leur bonne humeur, amusés par ces conditions météo dantesques, qui quittent la scène hilares. Un groupe à revoir sur un set complet (festival oblige, ils n’ont eu droit qu’à 50 minutes).
Mais pas de temps à perdre : il faut rejoindre l’autre scène, celle de l’Observatoire, à l’autre bout du parc. Là aussi on a dû protéger le matos, ce qui décale le début du concert de The Murder Capital. Tant mieux pour moi, cela me laisse le temps d’arriver pour voir ces irlandais. Un groupe que je découvre totalement. Et qui me fait rapidement bonne impression. Leur post-punk me rappelle leurs compatriotes de Fontaines D.C. Comme eux, ils balancent morceaux punk-rock et titres plus lents et calmes, comme la ballade Love Song, un moment visiblement fort en émotions (le bassiste vient même le prendre dans ses bras) pour le chanteur qui a dû mettre pas mal de lui-même dans ces paroles. Notre homme a d’ailleurs une vraie présence. Il harangue régulièrement le public (« vous seriez quand même venus s’il avait continué à pleuvoir », lance-t-il, un sourire en coin, à un moment), l’invite à former un mosh pit à l’avant pour danser et traverse plusieurs fois la fosse pour aller le voir de plus près. Une première fois pour aller chanter avec lui et une seconde fois, plus sur la fin, pour s’offrir un slam. Les gens apprécient et répondent aux demandes de James McGovern sans se faire prier. J’aperçois même un petit garçon, un casque de protection sur les oreilles et un grand sourire aux lèvres, juché sur les épaules de son papa en train de danser dans le mosh pit très bon enfant. Une belle découverte.
Le beau temps est revenu et on peut manger tranquillement dehors. Un stand propose même des escargots et du Haute Côte de Beaune, nous rappelant que l’on est en Bourgogne ! Et c’est bientôt l’heure de The Smile, dont vous avez certainement entendu parler. Et pourtant leur premier album, A Light For Attracting Attention, n’est pas encore sorti en version physique. Il faut dire que quand deux membres de Radiohead, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Thom Yorke, son chanteur/guitariste et Jonny Greenwood, guitariste et seconde tête pensante du groupe, créent un nouveau groupe cela fait forcément le buzz. Les deux hommes se sont adjoints les services de Tom Skinner, un batteur de jazz, pour ce nouveau projet, qui n’est a priori pas pensé pour remplacer Radiohead mais plutôt pour offrir une aire de liberté aux deux hommes. Je n’ai entendu qu’un ou deux singles dont Thin Thing, autant dire que je vais me faire une idée de The Smile en temps réel ! Et dès le début, ce qui frappe, c’est le plaisir que prennent les trois hommes à jouer ensemble. Si l’on ferme les yeux, on pourrait croire que l’on entend en fait Radiohead (difficile d’occulter la voix particulière de Yorke…). Mais avec une envie retrouvée. Et des musiciens qui se posent peut-être moins de questions. Suivant les morceaux, on oscille entre pop touchante (Skrting On The Surface), rock teinté de progressif (Thin Thing) et bidouillages électroniques (l’œuvre de Skinner). Certains titres marquent plus que d’autres mais le trio parvient à souvent m’accrocher. Comme une bonne partie du public d’ailleurs. Le jeu de guitare inventif de Greenwood et la voix toujours aussi émouvante de Yorke y sont clairement pour quelque chose. Les deux musiciens, qui se partagent basse (souvent groovy) et 6 cordes, sont clairement ravis d’être sur scène devant nous, Yorke se mettant même à danser tout seul dans un coin à un moment…Même si certains l’espéraient peut-être, The Smile ne jouera aucun morceau de Radiohead pour bien montrer qu’il s’agit là d’un projet complétement différent. Un très bon concert dont ressort We Don’t Know What Tomorrow Brings, morceau sombre aux effluves presque post-punk. Excellent. Je n’aurais pas dit non à un petit rappel…
A peine le temps de se remettre de ses émotions qu’il faut repartir à vive allure vers l’autre scène. Car Idles n’est pas programmé sur la grande scène. A la demande du groupe lui-même pour jouer à la nuit tombée (le set est prévu pour 22h) ou plus simplement pour pouvoir préparer la grande scène pour le concert de Liam Gallagher (l’un des deux frères d’Oasis était en effet aussi à l’affiche) qui a lieu à 23 heures ? Difficile à dire. En tout cas, Idles va une nouvelle fois prouver qu’il est un grand groupe de scène. Et Joe Talbot a beau s’être mis sur son 31 (il porte un beau pantalon noir et une chemisette blanche), dès qu’il est lâché sur la scène, il tourne comme un lion en cage, remonté comme une pendule, le poing serré, commençant à cracher partout alors que le concert ne fait que commencer. Dés Colossus, qui ouvre (c’est un peu devenu une tradition…) le set, on sent que les deux guitaristes volants sont en grand forme aussi ! Le moustachu Mark Bowen a mis sa plus belle robe de soirée et arpente la scène de long en large. Quant à Lee Kiernan, il ne tarde pas à aller voir les dijonnais de plus près après que le chanteur ait ouvert, tel un prophète, la foule en deux. Festival oblige, le groupe n’a cette fois qu’une heure devant lui et le set va être plus compact et dense que d’habitude, c’est le bon côté des choses. Le groupe enchaine ses morceaux les plus puissants et noise-rock. Grounds, Never Fight a Man with a Perm, War et ne joue que peu de titres de leur dernier album, Crawler, sur lequel les anglais se sont essayés à des choses différentes. Que du bon, du brutal aussi. Ceux qui ne connaissent pas le groupe sont surpris de l’intensité du concert. Ravis aussi. Ça n’arrête pas de danser. Il y a aussi les classiques Divide and Conquer et Mother dont le refrain est repris, seul, en chœur, par le public. Un grand moment. Idles a un public en France, c’est là que l’on s’en aperçoit. Joe prendra d’ailleurs le temps, entre 2 morceaux, de clamer son amour pour notre pays et de remercier les français de les avoir portés depuis 12 ans. On sent que le gars est sincère… Avant de balancer que le morceau suivant, Danny Nedelko, est pour les immigrants, que l’on devrait aimer pour ce qu’ils ont apporté aux pays où ils sont arrivés. Dont le nôtre. Je ne sais pas si le groupe s’est tenu au courant de l’actualité et des résultats du RN aux législatives mais on aime toujours autant l’engagement du groupe. Notre moustachu préféré en profite en tout cas pour se faire porter, à bout de bras, au milieu de la foule pour hurler le refrain. Clairement l’une des images du festival ! Petite pause tout de même (les occasions de respirer sont rares…) avec deux morceaux plus calmes dont A Hymn avant de terminer comme cela avait commencé avec Rottweiler et Talbot qui finit aux côtés du batteur à frapper sur les cymbales. Le public est conquis. Mon voisin (un homme d’un certain âge, dans les 65-70 ans) me regarde. Il a visiblement envie de partager ce moment avec quelqu’un et me dit qu’il a été impressionné par ce groupe anglais qu’il ne connaissait pas. Je ne peux que lui donner raison. Peu importe les scènes sur lesquelles il joue, le groupe assure et vient de livrer le meilleur concert du festival. Le patron, c’est Idles ! Je repars le sourire aux lèvres, bien fatigué quand même mais me surprend, malgré les deux heures et demie de route que j’ai encore pour rentrer, à aller du côté de la grande scène où Gallagher a commencé à jouer en me disant que ce serait sympa pour terminer cette belle soirée d’entendre l’ex-chanteur d’Oasis reprendre Wonderwall. Mais après 3 morceaux je n’aurai droit qu’à Rock’n Roll Star…