Des membres occupés par d’autres projets, un dernier album très inégal, l’un des fondateurs (Carlos Dengler, le bassiste) qui avait quitté le navire en pleine tempête : on n’était pas très optimiste quant à la suite de la carrière d’Interpol dans notre dernière chronique concernant le groupe américain. Autant dire que l’on accueillait ce « El Pintor » avec la plus grande perplexité, craignant le naufrage pur et simple, comme Editors (l’un des quelques autres groupes à succès qui trouvait encore grâce à nos yeux) sur leur dernier album. Et pourtant, à deux doigts de chavirer, le groupe, resté trio (c’est Paul Banks qui assure désormais les lignes de basse), a réussi, dans un sursaut d’orgueil, à redresser la barre. Preuve en est le triptyque de haute volée qui ouvre ce nouvel album. Avec notamment un « All The Rage Back Home », particulièrement inspiré, qui a des allures de tube indé avec sa rythmique nerveuse et ses envolées de guitare mélancolique. La suite est du même tonneau, très bon (à part « Same Town New Story », un ton en dessous). Là où le groupe avait tendance à se disperser sur son précédent opus, il se recentre ici, au contraire, sur ses fondamentaux. Et si l’influence post-punk omniprésente sur les deux premiers albums est maintenant plus volatile (les guitares sont notamment désormais souvent lyriques), certains passages (comme « Anywhere ») rappellent malgré tout « Turn On The Bright Lights ». « El Pintor » n’égale pas cet excellent premier effort (il faut dire que le groupe avait placé la barre très haut) qui avait remis le post-punk au goût du jour mais s’en rapproche à plusieurs reprises grâce, par exemple, à « Ancient Ways », sombre et enlevé, ou au tristounet « Tidal Wave » et sa guitare dépouillée. Une très bonne surprise. Et un soulagement aussi, quelque part.
(Album – Soft Limit)