LIVRE. Le 2 septembre dernier, un procès particulier s’est tenu à Paris : celui des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, l’Hyper casher de la porte de Vincennes et la policière municipale de Montrouge. Un procès visant à juger non pas les auteurs des faits, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ayant été tués lors de leurs forfaits, mais leurs complices. 14 personnes en tout (dont 11 seulement étaient présentes, les 3 autres ayant pris la fuite) pour lesquelles la cour d’assises spéciale de Paris devait décider du degré de proximité avec les tueurs et de complicité. Un procès que l’écrivain Yannick Haenel et le dessinateur François Boucq ont été chargés par la rédaction de Charlie Hebdo de suivre, jour après jour, afin d’en rendre compte, le premier grâce à ses chroniques journalières (Haenel les rédigeait chaque matin entre 4h30 et 7h30!) et l’autre par ses croquis des différents protagonistes, publiés sur le site internet de Charlie Hebdo et dans le journal. Ce livre regroupe l’ensemble des chroniques et dessins (dont des textes et dessins inédits) réalisés lors de ces trois mois et demis de procès !
Janvier 2015 Le Procès n’est pas un livre comme les autres. D’abord parce qu’il nous replonge dans l’horreur des attaques terroristes de 2015. Il nous oblige à lire le compte rendu détaillé des attaques et leur bilan, très lourd. Rappelons que les attaques coûtèrent la vie à 17 personnes et engendrèrent beaucoup de souffrances autour d’elles : chez ceux qui survécurent et chez les membres des familles des victimes…Mais aussi parce qu’il raconte le procès de l’islamisme radical en France, qui a, depuis, continué à attaquer aveuglément les fondements de notre société, et en premier lieu, la liberté. Et c’est cela que vise, in fine, ce livre : défendre cette liberté de penser qui était cher aux membres de Charlie Hebdo et que le journal continue aujourd’hui de mettre en avant, courageusement. Rendre hommage à tous ceux qui concourent (comme Samuel Paty, qui essayait justement d’apprendre à ses élèves à penser) à perpétuer cette idée. Voilà ce que font les chroniques de Yannick Haenel et les dessins de François Boucq (dont les très nombreux portraits, même masqués pour cause de Covid, montrent une autre facette du talent, celui de dessinateur « sur le vif ») dans ce livre qui propose aussi, chemin faisant, en filigrane, une réflexion sur la parole (salutaire pour les victimes car elle les libère d’un poids), la vérité (comment faire surgir cette vérité que tout le monde attend alors que chacun des accusés ment ou nie, trop conscients de ce qu’ils risquent ?), la justice (comment savoir quel rôle exact chacun a joué alors que les 3 responsables directs des attentats sont morts?) ou la mort (Haenel écrit cette phrase magnifique dans l’une des chroniques : « J’écris ce texte pour dire ceci : à la fin, ce n’est pas la mort qui gagne. Les récits sont plus forts que la mort »). Un récit intense et riche, aussi incontournable que salutaire, pour ne pas oublier.
(Recueil de chroniques et de dessins, 218 pages – Charlie Hebdo/Les échappés)