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JOSEPHINE BAKER (Catel/Bocquet)

bakerCatel et Bocquet se sont un peu faits les spécialistes des biographies dessinées de figures féminines et/ou féministes. Ainsi, après leurs récits sur Kiki de Montparnasse puis Olympe de Gouges, il n’est pas vraiment surprenant de les voir récidiver avec Joséphine Baker. Sauf qu’à part quelques clichés (du genre la danseuse dénudée se trémoussant une ceinture de bananes autour de la taille…), on doit avouer que l’on ne connaissait pas grand chose la concernant. Et c’est peut-être justement pour cela que l’on peut lire ce livre (Allez, avouez, je suis sûr que vous vous êtes demandés pourquoi je vous parlais d’un livre sur Joséphine Baker…). Car Joséphine Baker a eu une vie incroyablement riche et romanesque. Et parce qu’il y avait plusieurs Joséphine Baker !

C’est bien sûr à cela que s’attachent ici les auteurs : montrer ces différentes facettes. A commencer par son insatiable envie de danser, de faire la fête et de jouir de la vie (très libre, elle a d’ailleurs eu du mal à rester fidèle à un seul homme…) qui permit à celle qui naquit Freda Mac Donald, pourtant prédestinée à mener une vie de misère à Saint-Louis (« Elle terminera blanchisseuse comme moi », avait dit sa mère), de se faire remarquer et d’être embauchée par des compagnies de plus en plus importantes jusqu’à devenir la coqueluche de Paris alors qu’elle y était venue pour jouer dans La revue nègre, un spectacle entièrement joué par des noirs américains. Mais Joséphine Baker n’était pas que cela ! Si elle est restée dans les mémoires, c’est probablement surtout pour son engagement. D’abord pendant la seconde guerre mondiale, période pendant laquelle elle mit sa carrière entre parenthèses pour remonter le moral des troupes en allant chanter sur les bases militaires et où elle joua aussi, mais oui, le rôle d’espionne pour les alliés. Et quelques années plus tard quand elle s’engagea franchement dans le combat contre la ségrégation aux Etats-Unis, en prenant la parole aux côtés des leaders noirs comme Martin Luther King pour parler de ce qu’elle avait vécu (en 1936, alors qu’elle était déjà célèbre, il lui était par exemple interdit d’entrer par la porte principale de son hôtel de New-York parce qu’elle était noire…) ou en imposant de jouer devant un public mixte dans les salles réservées aux blancs habituellement. Et c’est donc (nous y voilà…) surtout pour cela que ce livre est passionnant : parce qu’au travers de la vie de Baker c’est toute l’histoire des noirs d’Amérique qui défile sous nos yeux, les 2 étant intimement liés (si elle rêvait de venir à Paris, c’était aussi parce qu’elle voulait être libre et avoir les mêmes droits que les blancs). Un très beau livre donc, et un très bel hommage à cette femme courageuse au caractère bien trempé, superbement mis en images par Catel et son noir et blanc aussi élégant que virtuose, où l’on croise, en prime, amusés (car certains ont été ses amants…) une foule de célébrités : de Picasso à Gabin, en passant par Man Ray, Simenon, Le Corbusier, Castro, Brigitte Bardot ou Grace Kelly.

 

(Roman graphique – Casterman)