BD. Pour Florence Dupré la Tour, la vie fût d’abord synonyme de bonheur, une béatitude complice, avec sa jumelle, dans le liquide amniotique du ventre de leur maman. Avant que la Terre ne tremble et qu’elle connaisse la terreur : la séparation avec sa sœur quand sa mère accoucha. Car Bénédicte met 15 minutes de plus pour sortir. 15 minutes de solitude et d’angoisse pour Florence qui restèrent toujours inscrits quelque part en elle et qui expliquent probablement la relation, forcément spéciale, qu’elle a avec sa sœur. Notamment cette mission qu’elle s’est fixée très jeune d’être le “garçon” dans le couple qu’elle formait avec Bénédicte et la protéger du monde extérieur…
Après Cruelle, dans lequel elle questionnait sa relation avec les animaux puis Pucelle, diptyque revenant sur sa découverte de la sexualité, Florence Dupré la Tour poursuit son cycle autobiographique en “elle” avec Jumelle dans lequel, vous l’avez compris, elle aborde cette fois la gémellité et sa relation particulière avec sa sœur. Si elle a choisi un trait très simple, quasi-enfantin, rehaussé d’aquarelles souvent joyeuses, pour le dessiner, le récit est lui bien plus complexe et profond. L’auteur, s’appuyant sur ses ressentis et émotions d’enfant, explore ici ce que cela signifie d’avoir un jumeau. Le sentiment, incroyable, d’avoir de la chance comparé aux “touseul” pour qui il est, du coup, bien plus compliqué de trouver leur “pareil” mais cette angoisse, aussi, que cette fusion cesse un jour. D’où la jalousie qui apparaît, chez Florence, quand certaines personnes (comme sa mère !) s’accaparent un peu trop Bénédicte. Sa mission de protéger celle qu’elle aime peut-être plus qu’elle-même. Et sa décision d’être un garçon pour que le couple (il faut forcément un garçon et une fille…) qu’elle forme avec Bénédicte soit normal…
Une introspection incroyablement riche, profonde et intense qui nous fait ressentir, avec talent, ce que l’auteure a vécu dans son enfance. Notamment grâce à son dessin, très inventif, qui trouve de belles métaphores (la caverne, extension du lit de l’auteure ou encore Flo-Ken, mélange de Florence et de Ken le survivant, héros d’un dessin animé japonais que l’auteure avait pris comme modèle), pour illustrer, au mieux, ce qu’elle pouvait ressentir. Un récit d’une grande sincérité (elle n’élude aucune chose, pas même les sentiments peu glorieux…) qui nous propose un voyage fort, parfois violent même, dans la psyché d’une enfant différente : une jumelle. Captivant !
(Diptyque, 176 pages pour ce tome 1 – Dargaud)