BD. Après Cruelle, récit dans lequel elle questionnait sa relation avec les animaux puis Pucelle, diptyque revenant sur sa découverte de la sexualité, Florence Dupré La Tour poursuit son travail autobiographique avec Jumelle. Dessiné d’un trait très simple, presqu’enfantin, rehaussé d’aquarelles colorées, ce récit se révèle pourtant complexe et d’une grande profondeur. Car l’auteur, s’appuyant sur ses ressentis et émotions d’enfant, explore ici ce que cela signifie d’avoir un jumeau. Pour elle, en tout cas, car on peut imaginer que les expériences des autres jumeaux ne sont pas forcément similaires. On l’espère pour eux…car l’auteur a visiblement eu une jeunesse torturée. Après s’être concentrée sur ses années d’enfance dans Inséparables, ce tome 2 se penche cette fois sur l’adolescence de Dupré La Tour. Qui ne s’est pas forcément mieux passé que son enfance. Parce que ses parents ont décidé de quitter Nagot et la Champagne-Ardenne (où l’auteur avait pris ses marques et avait réussi, surtout, à passer du temps sans sa sœur dans le vaste jardin de la propriété) pour la Guadeloupe. Mais aussi parce que l‘entrée dans l’adolescence s’est accompagnée des premiers émois amoureux, notamment pour Bénédicte, la fameuse sœur jumelle, qui connait ses premières relations, ce qui engendre, bien sûr, jalousie, sentiment d’abandon, complexe d’infériorité et remises en cause chez Florence…Car c’est elle le “garçon” de Bénédicte ! C’est elle qui doit prendre soin de sa sœur, qu’elle aime plus qu’elle-même. Sans parler de ses premières règles à elle, qui viennent contredire physiquement ce qu’elle avait décidé d’être : un garçon, pour pouvoir être en couple avec Béné…
Une introspection incroyablement forte et intense car d’une grande sincérité, Florence Dupré La Tour nous donnant accès à tous ses sentiments, même les moins glorieux. Porté par une grande inventivité, l’auteur parvenant à mettre en scène ses tourments et états d’âme avec talent, ce voyage dans la psyché d’une enfant différente, une jumelle, est toujours aussi captivant. Et touchant aussi.
(Série, 216 pages pour ce tome 2 – Dargaud)