La première partie de “Kililana Song” n’était presque qu’insouciance, joie de vivre, bonheur. C’est en tout cas comme cela qu’apparaissait la vie dans l’archipel de Lamu au travers des yeux de Naïm, petit kenyan qui passe son temps à se balader dans les ruelles de Kililana, à essayer d’embrouiller Lamine, le caissier du cinéma, pour qu’ils les laissent, lui et son pote Mo’, entrer voir un film ou à se faire quelques Shillings en ramenant du Qat, une drogue douce, à un vieux papy qui a “les jambes foutues”. Une vie qui serait paradisiaque pour ce gamin s’il n’y avait Hassan, son grand frère, qui passe son temps à lui courir après pour le ramener à la Madrass, l’école coranique du village…
Mais la tempête se lève dans cette seconde partie et le danger guette ce petit paradis d’archipel car des promoteurs immobiliers projettent de construire un complexe hôtelier avec un golf sur un terrain abritant un arbre sacré, sépulture d’un géant mythique, et son gardien, le vieux Ali ! Et parce qu’il y a aussi des islamistes dans les parages qui ont pris un capitaine de navire en otage pour mettre la main sur des explosifs…
“Kililana Song” est une magnifique déclaration d’amour à un pays, le Kenya, que Benjamin Flao a découvert lors de ses nombreux voyages. Une déclaration d’amour à son rythme de vie décontracté, ses jolis paysages, la liberté que l’on y trouve encore, ses traditions et, bien sûr, à ses habitants, sur lesquels l’auteur pose un regard tendre et complice. Et pourquoi une déclaration d’amour là, maintenant ? Parce que la région (et sans doute le pays) est menacée ! Par l’intégrisme religieux (auquel Flao règle d’ailleurs symboliquement son compte au travers du personnage d’Hassan qui veut envoyer son frère à la Madrass pour gagner des points pour aller au paradis), les réflexes colonialistes des “expats” et par la convoitise des industriels occidentaux. Et pour alerter sur ces dangers qui se font jour, Benjamin Flao est même prêt à convoquer les esprits kenyans !
Un récit vraiment attachant, plein d’humanité, qui possède nombre de points communs avec “Tsunami”, le très bon récit de Pendanx et Piatzszek sorti il y a seulement quelques semaines.
(Diptyque – Futuropolis)