Son arrivée chez Futuropolis a donné un second souffle créatif à Emmanuel Lepage ! Oh, on avait déjà beaucoup aimé “Muchacho”, son très bon diptyque paru chez Aire libre mais il faut avouer que ses 2 derniers récits, “Voyage aux îles de la Désolation” et “Un printemps à Tchernobyl” transcendaient la bd en tant que genre. Ils avaient ce quelque chose en plus, appelez cela un supplément d’âme si vous voulez, qui leur faisait dépasser le simple cadre du récit de bd. C’est une nouvelle fois le cas avec “La lune est blanche”, sa nouvelle œuvre.
Ou devrais-je plutôt dire leur nouvelle œuvre. Car, surprise, François, le frère de l’auteur, le coréalise ! En effet, ici, comme souvent avec notre auteur, c’est une aventure humaine qui est à l’origine du livre. En fait, en 2011, Yves Frenot, directeur de l’institut polaire Paul-Emile Victor, propose à Emmanuel de réaliser un livre sur la base française Antarctique Dumont d’Urville en Terre Adélie. Pour ce faire, il pourrait intégrer une mission scientifique et même se rendre en avion sur Concordia, la base franco-italienne située sur l’inlandsis pour qu’il puisse faire connaître au grand public les missions et les recherches qui y sont menées. L’Antarctique, c’est un rêve de gamin pour Emmanuel ! Mais un rêve qu’il partage avec son frère François depuis qu’ils sont tout petits, quand ils s’imaginaient explorateurs. Alors Emmanuel propose au directeur d’emmener François, ce frère photographe, avec lui et de faire un livre qui mêlerait photos et dessins. Frenot accepte. L’aventure peut commencer…
Une aventure grandiose, inattendue, hors du commun. Dont Lepage parvient à faire partager les moments magiques mais aussi les peurs ou les doutes. Car comme dans “Un printemps à Tchernobyl”, l’auteur n’hésite pas à se mettre à nu par moments, à laisser transparaître ses fragilités et défauts pour permettre au lecteur de s’immerger, comme il l’a fait, dans cette aventure. Et notamment dans le grand raid (le convoi de tracteurs chargé de ravitailler, 2 fois par an, la base de Concordia depuis Dumont d’Urville) auquel François et Emmanuel ont eu la chance de participer en tant que chauffeurs !
Les 2 frères y mettent tellement de choses (de la poésie, dans leurs descriptions des sensations face à ce continent blanc, de la complicité, de la sincérité et beaucoup d’humanité) que “La Lune est blanche” en devient plus qu’un livre. Croisement de textes, de superbes dessins au lavis, de photos ; à la frontière du reportage (l’auteur retrace, en fil rouge, l’historique des différentes tentatives pour arriver au pôle sud), du carnet de voyage et de l’autobiographie, c’est un récit pluriel, à la fois partage d’un rêve de frères, témoignage d’un voyage de l’extrême et portrait d’hommes et de femmes qui ont choisi ce qui constitue certainement l’un des grands défis d’exploration du XXIe siècle. Un très grand livre !
(Récit complet – Futuropolis)