Plutôt que de proposer une simple réédition de « Là où vont nos pères « , paru initialement en 2007 (déjà chez Dargaud), Shaun Tan a décidé de retoucher sa réalisation (il prend l’allure d’un vieux grimoire en cuir avec ses pages jaunies et tâchées et ses tons sépia) et de le sortir dans un nouveau format, plus petit, celui du roman graphique. Un très bel objet qui va donner l’occasion à ceux qui étaient passés à côté de ce bijou graphique à l’époque de réparer leur erreur.
Car il faut absolument lire « Là où vont nos pères », fauve d’or, mérité !, au festival d’Angoulême 2008 ! Un véritable choc visuel que cette œuvre entièrement réalisée, avec une incroyable minutie et une vraie obsession du détail, au crayon graphite par son auteur, Shaun Tan. Combien de temps a exigé, par exemple, la réalisation de chacun des petits portraits (d’un réalisme et d’une expressivité sidérantes), et ils sont nombreux, présentés sur les 2 pages de garde ? De la folie furieuse !
Une virtuosité graphique qui, alliée à une narration complètement muette très poétique, au goût prononcé pour le surréalisme (Shaun Tan réinvente la ville avec des architectures aussi inventives qu’oniriques) et au rythme très particulier (des dessins pleine page alternent avec des pages proposant 12 petits dessins se focalisant sur des détails ou des visages) transcendent cette histoire, finalement assez simple, d’un homme qui décide de quitter les siens pour émigrer dans un pays où la vie est, paraît-il, plus douce et où sa famille le rejoindra ensuite, une fois autorisations et visas délivrés. Un récit incroyablement attachant qui rend un bel hommage à tous ceux qui, comme le père de l’auteur (qui partit de Malaisie pour l’Australie en 1960), ont dû quitter leur monde et réapprendre à vivre dans un ailleurs à la fois effrayant et attirant, étranger et synonyme d’espoir. Superbe !
(Récit complet – Dargaud)