Nicolas de Crécy avait dit vouloir prendre ses distances avec la bande dessinée pour se consacrer à d’autres activités. Oui mais voilà…Notre auteur n’avait pas prévu qu’un éditeur japonais lui proposerait (chose rare car les européens sont très peu présents au Japon) une publication en revue ! Une offre que de Crécy n’a pu refuser : le défi était trop tentant…
Du coup, notre homme a dû s’adapter à la culture manga ! Il lui a fallu tenir un rythme de dessin élevé (23 pages étaient publiées chaque mois dans Ultra Jump, l’une des plus importantes revues de l’Archipel, qui a un public potentiel de 200 000 personnes…) et trouver un scénario et un dessin qui puissent intéresser le public nippon. Du coup, la narration est plus dynamique qu’à l’accoutumée et une mafia italienne ainsi que des fantômes (qui peuvent rappeler yakuzas et yokaïs aux japonais) font partie du casting de La république du catch. Pour le reste, rassurez-vous : de Crécy nous livre un de ces récits délirants dont il a le secret.
L’histoire ? C’est celle de Mario, être trop petit et trop seul (il n’a qu’un ami, un manchot muet qui joue du piano) qui vend des pianos en rêvant à la belle Bérénice, catcheuse professionnelle. Un jour, son cousin Enzo, qui a arrêté de grandir à la mort accidentelle de sa mère et a gardé sa tête de bébé, décide de l’éliminer pour mettre la main sur sa boutique qu’il veut transformer en salle de jeux. Mais contre toute attente, Mario s’en sort : aidé par un trio de monstres sorti de nulle part, il met hors d’état de nuire le tueur psychopathe (la tête sur plateau roulant que l’on voit sur la première de couverture, c’est lui…) qu’Enzo lui a envoyé et, épaulé par ses nouveaux amis, décide de lui faire la guerre, à lui et à sa bande de catcheurs (eh oui, Bérénice travaille pour le méchant…) pour récupérer ses pianos !
Combats (forcément détonants) entre catcheurs et monstres, piano qui se déplace quand on en joue, mère cryogénisée : on retrouve un de Crécy en grande forme dans ce polar bien barré qui sonne l’heure de la revanche des faibles contre les forts, des opprimés contre les brutes et les puissants. Un pur régal sorti tout droit de l’imaginaire particulièrement débridé d’un auteur que l’on est très heureux de lire de nouveau. Et comme de Crécy a conçu la série pour le Japon (là-bas, comme l’explique l’auteur, les séries naissent du succès qu’elles rencontrent. Si un premier volume ne marche pas, ils arrêtent. Par contre, si c’est le contraire, il faut pouvoir lui trouver une suite…), il se pourrait bien que l’on n’attende pas trop longtemps pour le lire de nouveau. Avec, on l’espère, une autre scène d’anthologie comme celle de la course poursuite entre Mario et la tête tueuse dans l’usine désaffectée !
(Récit complet ? – Casterman)