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LA ROUTE (Larcenet, d’après McCarthy)

BD. Il l‘a exposé, avec beaucoup d’humour et d’autodérision, dans sa précédente série, Thérapie de groupe : Larcenet connaît un manque d’inspiration depuis quelques années. Il a l’impression de ne plus avoir grand-chose à dire (même s’il vient tout de même d’annoncer sur les réseaux sociaux qu’il venait de commencer à travailler sur un scénario personnel…). Dans ce cas-là, quand on est dessinateur, il reste une solution : adapter un roman. Si possible un roman connu. Mais alors, et c’est le revers de la médaille, on est attendu au tournant ! Manu Larcenet savait donc où il mettait les pieds en décidant d’adapter le fabuleux La Route de Cormac McCarthy, roman post-apocalyptique sombre, véritable métaphore de la vie, avec, en son centre, cette relation, incroyablement belle et forte, entre un père et son fils, qui poursuivent cette route, empruntée aussi par des « méchants » (comme le dit le jeune garçon), entendez des sectes cruelles sans foi ni loi qui ont totalement oublié toute valeur humaine et sont capables de tout (y compris de manger de la chair humaine…) pour survivre, pour rejoindre la mer, au sud, en espérant que l’air (d’immenses incendies ravagent les forêts et propulsent d’innombrables particules de cendres dans l’atmosphère) y soit plus respirable. Une histoire finalement simple et taiseuse qui voit ce père tenter de protéger son fils des dangers qui les menacent et, surtout, le préparer du mieux qu’il peut, à l’après, quand il sera mort (il est bien malade…), en lui apportant des conseils et en lui donnant confiance en lui.

Une histoire forte que Larcenet s’est totalement approprié, respectant les nombreux silences (le binôme est souvent seul à errer parmi maisons et routes en ruines et autres carcasses de voitures) du récit originel et rendant parfaitement, grâce à un superbe travail sur les couleurs et les matières, la lumière blafarde (le soleil ne parvient pas à percer les épais nuages de cendres) de ce monde à l’agonie (« Il n’y a pas de Dieu et nous sommes ses prophètes », lance un vieil homme au père dans une scène). Et puis il y a ce dessin absolument superbe, qui fait la part belle au noir, omniprésent ici (comme dans Le Rapport de Brodeck, incontournable également…), d’une puissance d’évocation incroyable. Une fois le livre refermé, on se dit que la rencontre entre les mots de McCarthy et le trait si expressif de Larcenet était finalement une évidence, c’est dire. Une adaptation magnifique, tout simplement.

(Récit complet, 160 pages – Dargaud)

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