BD. 1822, Le Cap. Malgré son jeune âge et son corps frêle, le docteur James Barry, déjà responsable de la vaccination, est nommé inspecteur médical de la colonie par le gouverneur en place, Lord Somerset. Une décision qui fait des jaloux malgré le talent, reconnu, de chirurgien, de Barry et les améliorations sanitaires qu’il a apportées. Denyssen, l’officier du trésor, s’emploie par exemple, à démontrer, par le mensonge, les manquements du docteur. Et une rumeur court même concernant une relation amoureuse entre lui et le gouverneur. S’ils savaient que le docteur porte continuellement des bandages comprimant ses seins sous son uniforme pour que personne ne se rende compte qu’il est en fait une femme…
L’histoire de James Barry est malheureusement une histoire vraie. Comme beaucoup de femmes à cette époque, Margaret Bulkley était intelligente et brillante. Et comme beaucoup de femmes, ses talents auraient dû être étouffés car seuls les hommes pouvaient alors être promis à un bel avenir. Sauf que cette jeune femme bénéficiait d’appuis de ses parents, des gens humanistes et ouverts, tel le général Miranda (il voulait faire du Venezuela une terre de progrès où les hommes seraient jugés selon leur talent et non selon leur origine, leur sexe ou la couleur de leur peau mais sa révolution échoua) qui l’envoya au Royaume-Uni pour étudier la médecine déguisé en homme…Un déguisement qu’elle ne quitta plus jusqu’à mort. Jour où la bonne du docteur se rendit compte, en lavant son corps, qu’il était une femme. Une découverte qu’elle vendit ensuite à la presse anglaise pour se faire de l’argent. Une histoire qui en dit bien sûr long sur les mœurs de l’époque et les injustices que cela engendra. Et c’est là le grand intérêt du livre de Bauthian et Maupré, en plus de rendre hommage à la force de caractère et aux avancées médicales que le docteur Barry rendit possible : montrer le gâchis que connut l’Histoire des sciences, des Arts et de la politique pendant toutes ces années, à cause de la volonté masculine de ne pas accorder aux femmes l’égalité qu’elles méritaient pour continuer à les garder sous leur joug.
Un récit féministe qui reste toujours aussi nécessaire (on a avancé mais il reste encore clairement des progrès à réaliser concernant les droits des femmes) derrière lequel on n’est pas vraiment surpris de retrouver Isabelle Bauthian et Agnès Maupré. Même si on lui préférera d’autres récits de la dessinatrice abordant les mêmes thématiques, comme Le Chevalier d’Eon ou Milady de Winter. Car si l’on retrouve ici son trait élégant à la plume rehaussé d’aquarelles et si la narration de Bauthian s’avère astucieuse (le récit est linéaire mais un dessin pleine page illustrant un épisode clé du passé de Barry ouvre chaque chapitre et la dernière partie permet au lecteur de rassembler toutes les pièces du « mystère Barry » en un puzzle complet), l’histoire en elle-même peine à captiver. Car Barry avait certes du caractère et ne s’en laissait pas conter (elle défia d’ailleurs un capitaine en duel après une dispute…) mais la période sur laquelle se focalise le récit (sa vie de médecin), à part 1 ou 2 événements notables (comme la pratique de la première césarienne dans les colonies britanniques), n’a pas été vraiment passionnante. Elle était finalement celle d’un médecin (presque) lambda.
(Récit complet, 128 pages – Steinkis)