En se faisant passer pour une jeune femme voulant rentrer au service de la tsarine Elisabeth de Russie comme liseuse, le chevalier d’Eon a permis à la diplomatie française de renouer contact avec ce grand pays qui venait juste de signer un traité avec l’ennemi héréditaire : l’Angleterre. Pour services rendus à son pays, le chevalier a donc été nommé, un peu plus tard, Ministre plénipotentiaire représentant la France à la cour de Saint-James ! Et continue de jouer les espions pour le roi (il se fait passer pour une touriste, en revêtant rubans et fanfreluches) en dessinant les plans des côtes anglaises en vue d’une future attaque ! Mais voilà qu’à la cour de France on s’inquiète de voir quelqu’un de son rang accéder à un poste si élevé. Choiseul et ses amis font ainsi pression sur le roi pour qu’une figure de grande noblesse soit nommée à sa place et que celui-ci ne redevienne simple secrétaire d’ambassade. Ce qu’accepte le roi tout en demandant, en secret, à d’Eon de ne pas tenir compte de cet ordre et de rester en Angleterre…
Il faut croire que ce chevalier d’Eon (qui a bel et bien existé !) a eu un don, toute sa vie durant, pour se retrouver dans des situations aussi rocambolesques que délicates! Usant et abusant de son goût (et de son don !) pour le travestissement, il aura passé son temps à changer de sexe, portant belles toilettes ou uniforme de dragon, passant de Charles à Lia, au gré de ses humeurs et de ses obligations. A tel point qu’à un moment donné l’on pariait de fortes sommes dans Londres sur ses organes génitaux et que la personne qui lui louait, à la demande de la reine Sophie, une chambre chez elle découvrit, à sa mort, que cette locataire qui lui causait des ennuis n’était autre qu’un homme…
Un récit étonnant et truculent qui nous fait pénétrer dans le quotidien (les usages de l’étiquette, les intrigues pour obtenir les faveurs du roi, le statut de la favorite…) des cours royales de l’époque et nous permet aussi de découvrir les coulisses de la diplomatie au XVIIIe siècle, qui reposait essentiellement sur une chose : la bagatelle ! Jouissif, forcément…D’autant que le dessin de Maupré, aussi original que réussi, est à la hauteur de ce diptyque haut en couleurs !
(Diptyque – Ankama)