Fabien, la trentaine, est surveillant au musée du Louvre. Dans le train qui l’emmène à Angers, aux côtés de Mathilde, sa compagne depuis quelques mois, il est quelque peu nerveux : il va enfin être présenté à sa belle-famille ! Et il a été prévenu par son amoureuse : son père et ses deux frères sont plutôt du genre bizarre. Malgré tout, Fabien semble passer le test sans trop d’encombres : il parvient par exemple à s’intéresser à la visite du magasin de meubles que le grand-père a créé et réussit même à mettre de côté l’humour beauf des Benion ! Jusqu’à ce que Joseph, l’aîné des fils, ne lui demande son avis sur une peinture réalisée par Gustave, le grand-père de son grand-père, qu’il a intitulée « Le chien qui louche », et qui traîne dans une malle du grenier depuis des années. Ne pouvant leur avouer tout de go qu’il s’agit là d’une croûte sans intérêt artistique aucun, Fabien essaie de le faire de façon diplomate en lui trouvant tout de même quelques qualités. Flattés dans leur orgueil familial, les 3 hommes se mettent alors en tête que l’œuvre pourrait alors très bien être accrochée au Louvre et demandent à Fabien de faire ce qu’il faut pour cela !
A son tour mis au (dur) défi de livrer un récit dont le Louvre est un élément central (pour cette collection désormais bien connue codirigée par Futuropolis et Louvre éditions), Etienne Davodeau n’a pourtant pas ici changé ses habitudes en choisissant de parler de nouveau de gens simples, ordinaires mais en les confrontant à un univers qui leur est peu familier : celui de l’art. Vous en vous en doutez : quiproquos, scènes quasi-burlesques et autres rebondissements cocasses sont du coup au rendez-vous de cette comédie truculente qui nous propose de faire connaissance avec une galerie de personnages aussi hauts en couleurs que surprenants (au clan Benion, brut de décoffrage, qui s’est fixé comme objectif d’emmener le fauteuil et la table à un niveau supérieur, il faut ajouter la République du Louvre –LA très bonne idée du récit-, sorte de loge secrète qui veille sur le musée, de façon complètement non-officielle !, car il revêt, pour une raison ou une autre, une importance capitale dans la vie de ses membres) tout en proposant, en filigrane, une réflexion sur la notion d’œuvre d’art et de qui peut décider de ce qui peut entrer au Louvre ou pas.
Un récit malicieux -« Le chien qui louche » finira bel et bien par être accroché dans le musée, et même en très belle place, juste à côté du « Radeau de la méduse »-, assez inattendu et drôle, tout simplement. Du bon (mais peut-il vraiment y en avoir du mauvais ?) Davodeau !
(Récit complet – Futuropolis/Louvre Editions)