BD. L’humour comme arme de combat contre les nazis : il fallait probablement être belge pour y penser ! C’est Marc Aubrion qui en a eu l’idée, alors qu’il faisait partie de l’équipe chargée d’écrire un journal d’informations dans l’imprimerie du réseau de la résistance belge. Pour commémorer le 11 novembre 1943, 25e anniversaire de la défaire allemande de 1918, le front de l’indépendance avait suggéré aux responsables presse régionaux clandestins de faire preuve d’imagination afin de marquer le coup. Aubrion proposa donc de réaliser un faux exemplaire du Soir, quotidien dont les allemands avaient pris le contrôle dès l’annexion du pays et dont les rédacteurs engagés alors (toute l’ancienne équipe avait quitté son poste…) collaboraient bien sûr pour rassurer les belges sur l’action allemande qui visait avant tout à « les protéger contre les bolcheviques russes » et pointer du doigt « les vrais responsables des rationnements ou du couvre-feu » : juifs et résistants…L’aspect rédactionnel -il s’agissait d’écrire des articles parodiques, des pastiches caricaturant les rédacteurs habituels du Soir « emboché » afin de faire rire les belges et de leur remonter le moral- n’était pas difficile à réaliser. Par contre, tout le reste, imprimer le journal sans attirer l’attention, organiser la distribution et, surtout, empêcher la distribution du vrai Soir auprès des kiosquiers et des libraires, l’était bien plus. Et particulièrement dangereux pour ceux qui allaient participer à l’entreprise. D’autant qu’il restait moins de 3 semaines pour mettre tout cela en place. Et pourtant le faux Soir sortit bel et bien le 9 novembre et ses 50 000 exemplaires partirent comme des petits pains, au nez et à la barbe des soldats allemands, les belges riant des nazis et des rédacteurs du Soir à leur botte. Une action de résistance aussi truculente qu’héroïque qui fit le tour de l’Europe mais qui coûta malheureusement la vie à certains de ses responsables…
C’est cette incroyable histoire du faux Soir que Denis Lapière, Daniel Couvreur et Christian Durieux ont voulu raconter. Pour rendre hommage à l’acte héroïque d’Aubrion, Wellens, Mullier, Oorlyneck, Vandevelde et leurs camarades. Mais aussi pour rappeler la nécessité de poursuivre le combat pour la liberté de la presse, quelques années seulement après l’attentat de Charlie Hebdo. A l’aide d’une narration originale qui mêle allers et retours entre présent (Durieux met en scène le travail de recherche et de documentation de son équipe) et passé (la reconstitution de toute la logistique mise en place pour l’édition de ce faux Soir est particulièrement minutieuse !) et magnifiquement dessinée par Durieux qui alterne noir et blanc et couleurs pour plus de clarté et dont le trait est ici criant de vérité, surtout dans les scènes ayant lieu pendant la guerre. Un superbe hommage livré, cerise sur le gâteau, avec un fac-similé du fameux faux Soir !
(Récit complet, 92 pages – Futuropolis)