BD. Piero Macola, qui a déjà sorti les très beaux Le Tirailleur ou Kérosène (tous deux en collaboration avec Alain Bujak)chez Futuropolis, connaît la lagune de Venise comme sa poche. Il a donc proposé de la faire découvrir à Christophe Dabitch en la sillonnant en bateau. Cette expérience a inspiré Le Passeur de lagunes au scénariste. Un récit initiatique sombre, désenchanté qui nous montre l’envers du décor, une autre Venise…celle des clandestins dont les passeurs tiennent le destin entre leurs mains. Une fois entrés dans Venise, sans visa, ils n’ont en effet d’autre choix que de devenir des esclaves dans des ateliers pour l’Organisation. Pour laquelle Gabriele travaillait avant de disparaître subitement…Paolo, son fils, décide donc de partir à sa recherche mais il n’a que peu d’indices à sa disposition à part une carte de la lagune annotée et un prénom, un certain Dimitri, qui connaitrait son père…
Pas étonnant que Macola ait troqué ses crayons de couleurs pour ce trait fin aquarellé dans des tons, des bleus-gris, souvent froids pour dessiner Le Passeur de lagunes car, comme le dit l’un des personnages, “tout est pourri dans la lagune”. L’Organisation, des mafieux pour qui la vie n’a aucune valeur, semble en effet dicter sa loi sans que personne ne leur demande de comptes. Peut-être parce que leur “business” permet à certains de pouvoir compter sur une main d’œuvre très peu onéreuse et corvéable à merci. Un aspect de la lagune que Paolo va découvrir et qui va lui faire quitter l’adolescence bien plus vite que prévu…
Il y a du Gipi dans ce beau récit, touchant, à la narration parfaitement menée, dont la grande idée repose sur ce choix de la lagune de Venise pour montrer les aspects les plus sombres de la crise migratoire à laquelle l’Europe doit faire face. Une chose est sûre : après avoir lu Le Passeur de lagunes, vous ne verrez plus Venise de la même façon…
(Récit complet, 224 pages – Futuropolis)