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LE PASSEUR (P. Craig Russell, d’après Lowry)

BD. La Cérémonie approche. Ce jour-là, Jonas fera partie des 12 et deviendra adulte. Il recevra aussi son affectation. Le comité des Doyens observe en effet les petits depuis leur plus tendre enfance pour être sûrs du rôle qu’ils peuvent occuper au sein de la communauté. Rien n’est laissé au hasard. Comme pour le reste : le contrôle du climat, les cachets pour couper les « élans » que l’on peut ressentir quand on grandit, la maison qui accueille les vieux, le déliement quand les membres deviennent un poids pour la communauté, l’appariement des époux : tout est fait pour que toute la vie de la communauté soit sûre, régulée. Mais Jonas ignore encore que le comité des Doyens a beaucoup d’ambition pour lui : elle va le choisir comme Receveur. Celui qui est chargé de se souvenir pour la communauté. Des sentiments qui n’existent plus, comme l’Amour ou la chaleur d’un foyer le soir de Noël. Mais aussi des souffrances du passé : la famine, la guerre ou la maladie…

Qui dit Philéas, dit adaptation littéraire, puisque l’éditeur a pris le parti (à part quand il sort des recueils d’histoires courtes comme Le Crime parfait ou Alibis, qui vient de paraître) de confier des romans (souvent marquants, il faut le noter, puisque La Nuit des temps ou Le Meilleur des mondes ont déjà intégré leur catalogue) à des auteurs renommés pour qu’ils en proposent une relecture graphique. Cette fois, c’est P. Craig Russell qui a eu la lourde tâche d’adapter The Giver (Le Passeur, en français) de l’américaine Lois Lowry. « Lourde » car ce roman dystopique est dense, complexe et d’une grande richesse, flirtant régulièrement avec la philosophie. Une mise en garde inspirée sur les dérives autoritaires et liberticides de certains régimes (on peut y voir un mélange de puritanisme américain, d’eugénisme nazie et de totalitarisme communiste) ou sectes/religions sous couvert de vouloir protéger et sécuriser leur communauté en même temps que réflexion sur l’importance du passé et de la mémoire. Que P. Craig Russell adapte ici avec un choix graphique fort : un trait fin au crayon graphite ou à l’encre, d’une grande précision, majoritairement noir avec quelques touches de bleu, souvent dépouillé, qui rend parfaitement la caractère aseptisé, froid et sous contrôle de cette société, imaginée par Lowry. L’apparition de la couleur, lorsque le vieux receveur passe ses souvenirs à Jonas, n’en est, alors, que plus forte et marquante.

Un beau récit, glaçant (comme il se doit quand il s’agit d’une dystopie), poétique par moments, qui invite à vivre pleinement, à ne pas oublier nos émotions d’enfant et à refuser le conformisme et l’uniformisation qui guettent nos sociétés.

(Récit complet, 184 pages – Philéas)

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