ROMAN. Certaines décisions sont dures à expliquer…Quand on trouve un homme grièvement blessé sur le trottoir en bas de chez soi à 5 heures du matin, normalement, on appelle les secours. Mais Léo-Paul n’avait pas pris son portable ce jour-là. Alors, il aida l’homme à monter dans son appartement. Et tandis que celui-ci agonisait sous ses yeux, l’inconnu lui tendit la main, avec laquelle il tenait son portable et lui demanda d’appeler sa femme avant de lui confier, dans un dernier râle, qu’il ne voulait pas mourir. En dépit du bon sens, Léo-Paul décida d’exaucer son vœu : au lieu d’appeler la police, il allait, grâce au portable du défunt, prolonger sa vie auprès de ses employeurs et de ses proches, en particulier Mathilde, sa femme…
Pour son premier roman, Christophe Wojcik nous a concocté une intrigue astucieuse qui pointe du doigt notre dépendance au portable, objet auquel on confie (à lui mais aussi à ceux qui ont accès à ces données…) une grande partie de notre vie et, parfois, des choses très intimes. Derrière la critique, l’idée lui permet aussi de trousser un thriller original et haletant. Car Léo-Paul va, bien sûr, se prendre au jeu. L’irruption de cet homme, il découvre rapidement qu’il se prénomme Pierre, amène en effet une excitation bienvenue dans la vie morne de ce célibataire qui vit de la rente de sa soixantaine de garages : « Je me sens extrêmement vivant, plein d’énergie, et d’entrain, tous mes sens en éveil, le cerveau qui tourne à plein régime », s’exclame-t-il ainsi, quelques heures seulement après avoir commencé ce petit jeu…Et ajoute « le cœur battant »…Car quand il tombe sur la photo de Mathilde, la femme de Pierre, le jeu prend un tour un peu différent…Mais, bien entendu, se faire passer pour un autre, même si ce n’est que par l’entremise d’un portable, comporte des risques. Surtout quand cet autre n’est pas mort de cause naturelle…
Usurpation d’identité, chantage, dettes, dépendance au jeu : Wojcik mêle tout cela, et d’autres choses encore (on ne peut pas tout vous dire !), dans ce récit surprenant et malicieux à l’écriture concise (le roman ne comporte que 120 pages) mais efficace. Joueuse aussi. On pense, par exemple, au « prélèvement » que Léo-Paul fait, à la fin, pour tirer Mathilde du mauvais pas dans lequel son mari l’avait entrainée…Une belle découverte !
(Roman, 128 pages – Editions Eloise d’Ormesson)