BD. Avec Ion Mud, son premier récit sorti il y a deux ans, Amaury Bündgen avait bluffé le monde de la bande dessinée. Il récidive avec Le Rite, un autre one shot toujours aussi envoûtant. Le jeune auteur sait que le mystère doit être au cœur de toute bonne histoire et il en use une nouvelle fois (c’était déjà le cas avec Ion Mud) parfaitement. Car les 13 premières planches de sa nouvelle œuvre sont entièrement muettes et nous proposent de suivre un homme solitaire qui progresse dans les montagnes, attentif à ne pas se faire repérer par des guetteurs postés à différents endroits stratégiques. On apprend juste qu’il veut rejoindre un lac, la lac miroir, sur les rives duquel une troupe d’Haïmars, un peuple qui a conquis une grande partie des royaumes de ce monde à force de combats sans pitié, ont établi leur camp. Il faudra attendre encore plus de 20 pages pour comprendre ce qu’il a en tête : accomplir un rite magique pour venger son peuple, les Kévarks, justement anéanti par les Haïmars…
Ce qui marque de nouveau avec Le Rite, c’est la capacité de Bündgen à nous faire entrer dans son univers avec une facilité déconcertante. Sa façon de jouer avec le mystère y est pour beaucoup, on l’a dit. La puissance graphique que le récit dégage aussi. Son noir et blanc est absolument grandiose. Techniquement parfait, il fait aussi preuve d’une grande inventivité pour donner chair aux différents protagonistes de cette histoire d’heroic fantasy sombre : au prêtre Kévark à qui il donne beaucoup de charisme, au centaure Scorne, inquiétant ou au commandant, méprisant, des Haïmars et pour planter le décor dans lequel ils évoluent. Un dessin qui donne beaucoup de souffle à ce Rite qui nous conte les désirs de conquête démesurés d’un empereur-dictateur (toute ressemblance avec l’actualité n’est peut-être pas totalement fortuite…) et le génocide de peuples, pourtant spirituellement éclairés (l’harmonie avec laquelle ils vivent avec la nature rappellent les tribus Amérindiennes…) qui ont eu la malchance de se trouver sur leur chemin. Magnifique !
(Récit complet, 104 pages – Casterman)