CONTE ILLUSTRE. Mais non, vous ne rêvez pas : Le Voyage de Shuna est bel et bien un récit inédit en France du grand Hayao Miyazaki. Réalisé alors que l’auteur/réalisateur venait de sortir ses premiers films d’animation (Conan, le fils du futur ou Le Château de Cagliostro), Le Voyage de Shuna a paru en 1983 au Japon mais n’avait jamais été traduit en français ni dans aucune langue étrangère avant 2022 ! Etonnant mais jubilatoire, du coup. Le Voyage de Shuna n’est pas un manga mais plutôt un récit illustré puisqu’il n’y a pas de bulles ici, l’histoire nous étant délivrée par l’entremise de récitatifs placés au bas de dessins souvent pleine pages. Un choix logique puisque ce voyage s’apparente à un conte (inspiré du folklore tibétain). Avec son héros : Shuna, donc. Prince d’un petit royaume oublié de tous qui ne peut plus supporter de voir son peuple s’échiner à cultiver des terres qui ne donnent presque rien. Un jour, il trouve un étranger, mourant, au sol, aux abords du village. Celui-ci lui confie qu’à l’ouest, il y a des champs de céréales qui font “onduler les plaines en vagues fertiles”. Contre l’avis des anciens de son royaume, Shuna part à la recherche de ces fameuses graines, “là où s’arrête la terre”. Un périple rempli d’aventures et de dangers qui le verra traverser des contrées inconnues, rencontrer la jeune Théa et sa sœur, capturées par des chasseurs d’hommes pour les vendre comme esclaves et braver l’interdit en pénétrant dans le pays des êtres divins…
Un récit, vous vous en doutez si vous connaissez Miyazaki (si ce n’est pas le cas, ne passez pas à côté de Princesse Mononoké ou Le Château ambulant), teinté de fantastique et d’étrange. Notamment quand Shuna se trouve au pays des êtres divins où il fait la rencontre de mystérieux géants verts qui semblent être fabriqués à partir des esclaves que les Dieux offrent à une créature gigantesque pour qu’ils sèment ensuite les fameuses graines et travaillent la terre…
Qui dit conte dit morale mais si, dans ce récit initiatique, la force de l’Amour et le respect de la nature ressortent, tout comme la critique de la traite humaine, on se demande quel message Miyazaki a bien voulu délivrer avec ces géants créés par des êtres divins à partir d’esclaves…Mais n’est-ce pas justement là l’apanage des grands récits que de garder une part de mystère ? En tout cas, on se laisse porter avec plaisir par ce joli récit sombre mais aussi poétique par moments et par la douceur de son dessin. Une petite pépite graphique vraiment inattendue, pour le coup.
(Récit complet, 160 pages – Sarbacane)