BD. Début du XIVe siècle. Depuis qu’il a perdu sa femme Béatrice, Dante se morfond. Il n’a plus goût à rien, ni aux plaisirs qu’offre Florence, sa ville, ni au reste. Un jour qu’il se promène dans la campagne, il fait ce qu’il croit être un rêve mais qui est en fait la réalité : le poète Virgile, qui a chanté les louanges du premier empereur de Rome, Auguste, des siècles auparavant, se tient bel et bien devant lui. C’est Béatrice qui l’envoie pour le guider jusqu’à elle ! Ne demandant pas son reste, Dante entame avec Virgile son long voyage. Sans savoir que celui-ci va le mener droit en Enfer et qu’il devra traverser ses 9 cercles où règnent puanteur, fureur et ténèbres…
“Il fallait oser” : comme ils l’expliquent en préambule du récit, Paul et Gaëtan Brizzi ont hésité longtemps avant d’accepter quand Olivier Souillé, directeur de la galerie Daniel Maghen, leur a proposé d’adapter La Divine comédie de Dante Alighieri, poème en italien de 100 chants composé entre 1303 et 1321 dans lequel on peut facilement se perdre. Après réflexion et quelques essais graphiques, ils décidèrent de s’embarquer dans l’aventure mais en se concentrant uniquement sur la première partie de l’œuvre, la plus célèbre, L’Enfer. Et grand bien leur en a pris car ils livrent ici une magnifique adaptation. Faite de choix (avant tout poétique, l’œuvre de Dante est visiblement très répétitive et les jumeaux ont dont décidé d’éliminer certaines séquences) et de vulgarisation (pour rendre l’ensemble accessible, les deux frères ont simplifié certains aspects de La Divine comédie), “leur” Enfer de Dante est une grande réussite : leur narration, à mi-chemin entre BD et illustration est fluide et, surtout, ne lasse jamais. Le défi était notamment là car l’histoire est finalement très simple : Dante, aidé de Virgile, traverse les 9 cercles de l’Enfer et descend toujours plus bas pour retrouver Béatrice, son aimée. Mais les coupes opérées par les auteurs, judicieuses, leur permettent de tenir en haleine le lecteur tout au long des rencontres que les deux protagonistes font. Avec Diogène (à la recherche de l’homme bon) ; le roi Minos ; le minotaure ; le géant Nimrod ; Cerbère ou encore, bien sûr, Lucifer. Sans oublier les hommes, semblables à des bêtes sauvages, condamnés à croupir en Enfer dans une souffrance indicible sans cesse renouvelée. Et on n’a pas encore parlé de leur travail graphique, absolument remarquable. A la mine de charbon. D’une précision (leur sens du détail confine parfois à l’obsession) incroyable, leur dessin (l’un s’occupe des personnages, l’autre des décors) utilise toutes les nuances de gris pour mettre en images ce monde de souffrances fait de paysages en ruines, de plaintes continuelles, de pluies de flammèches et de rivières de sang de façon magistrale. Des scènes d’horreur que les frères Brizzi font littéralement vivre sous nos yeux. Grâce notamment à des dessins pleine page de toute beauté qui mettent leur talent en exergue. Et que dire des monstres, d’un étonnant réalisme, qui apparaissent tout au long du récit !? Un récit vraiment superbe !
(Récit complet, 160 pages – Editions Daniel Maghen)