Cela commence par « il était une fois » parce que « Les 3 fruits » est un conte (pour adultes, hein, car il est violent, amer et effrayant), avec ses épisodes qui se répètent, les mêmes phrases qui reviennent à intervalles réguliers, ses personnages archétypaux (le roi sanguinaire et froid, le démon machiavélique), ses jolies métaphores (les fruits, la source…) et bien sûr sa morale à la fin…Alors allons-y : il était une fois un roi qui n’avait pas vu le temps passer et se retrouvait au seuil de la mort. Mais le roi avait peur de mourir. Aussi convoqua-t-il les plus grands scientifiques de son royaume pour qu’ils lui expliquent comment éviter la grande faucheuse. Devant leur incapacité à l’aider, il décida de tous les tuer. Alors que le vieil homme avait presque fini par se résigner, un jour un Mage demanda à le voir, annonçant qu’il lui apportait la réponse à sa question. Et en échange de la main de sa fille, il accepterait de lui divulguer son secret. Après avoir recueilli la signature du monarque au bas d’un parchemin engageant sa parole, voici ce que le Mage lui dit : « Mange la chair du plus vaillant de tes trois garçons et il te sera donné la vie éternelle… »
Cette fois, c’est un conte, mais finalement peu importe le genre ou même les thèmes que Zidrou aborde : il parvient, à chaque fois, à donner beaucoup de souffle à sa narration et de force à son propos. « Les 3 fruits » ne fait pas exception : sombre, surprenant et envoûtant, le récit fait une nouvelle fois mouche avec cette critique sous-jacente de l’Homme, qui retombe toujours dans ses travers –désirs de toute puissance, avidité de pouvoir, esprit guerrier- sans jamais retenir les leçons du passé. Une relecture très réussie du « Faust » de Goethe (avec, bien sûr, ce roi qui vend son âme au diable) à laquelle le travail graphique d’Oriol, parfait, apporte la flamboyance et la noirceur qu’il faut. Et une fin -la femme avenir de l’Homme- qui ne peut que nous plaire !
(Récit complet – Dargaud)